Virage numérique : les francophones hors Québec veulent en profiter

Alors que le gouvernement a achevé, fin novembre, ses consultations sur le virage numérique, plusieurs organismes francophones souhaitent en profiter pour concrétiser ce virage en opportunités pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Crédit photo: Archives

OTTAWA – Alors que le gouvernement a achevé, fin novembre, ses consultations sur le virage numérique, plusieurs organismes francophones souhaitent en profiter pour concrétiser ce virage en opportunités pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) ont fait part de leurs recommandations dans deux mémoires distincts, afin de permettre aux francophones de l’extérieur du Québec de tirer profit des opportunités offertes par le virage numérique, ardemment souhaité par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

« Nous sommes conscients que le numérique est une voie d’avenir et nous voulons que nos communautés puissent tirer leur épingle du jeu. Mais ce virage comprend aussi de nombreux défis et nous souhaitons que le gouvernement intègre cette réalité quand il élaborera sa future politique publique dans le domaine », explique la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier.

Parmi ces défis, la FCCF rappelle les difficultés encore nombreuses pour les communautés francophones en situation minoritaire d’avoir accès à un service Internet rapide et de qualité.

« Nous ne sommes pas contre le numérique, loin de là, mais nous voulons que les conditions soient réunies pour pouvoir embarquer. Dans le milieu culturel francophone en contexte minoritaire, les ressources ne sont pas aussi importantes et la force de frappe est moins grande faute d’avoir toujours le nombre, cela est donc plus difficile d’opérer un tel changement. Nos recommandations sont le minimum que le gouvernement doit faire pour supporter notre secteur et nos communautés », explique le président de la FCCF, Martin Théberge.

Accès Internet

En décembre dernier, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, a annoncé le lancement du programme Brancher pour innover, qui doit permettre à 300 collectivités rurales et éloignées au Canada d’obtenir un accès à Internet large bande. Aux termes de ce programme, jusqu’à 500 millions de dollars seront investis d’ici 2021 dans le but de donner aux collectivités rurales et éloignées les moyens de tirer profit des possibilités de l’ère numérique, selon le gouvernement.

Durant le temps des Fêtes, les organismes francophones en milieu minoritaire ont applaudi les décisions annoncées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en ce qui a trait à l’accès à Internet haute vitesse. Le CRTC a déclaré qu’Internet à large bande fait maintenant partie des services de télécommunication de base pour tous les Canadiens, a augmenté les vitesses cible en matière de téléchargement et de téléversement, et annoncé la création d’un fonds pour améliorer l’accès à Internet haute vitesse.

« Ces décisions sont importantes pour l’ensemble des Canadiens. Elles le sont plus encore en milieu minoritaire parce que vivre en français au XXIe siècle, ça passe de plus en plus par un accès convenable à Internet haute vitesse. Par exemple, si on dépend d’Internet pour regarder des contenus en français et qu’on n’a pas la bande passante pour faire du streaming, on se retrouve en quelque sorte doublement minoritaire », explique Mme Lanthier.

Outre un accès Internet à haut débit offert à travers le Canada à un coût abordable, la FCCF souhaite voir mis en place des programmes de financement pour permettre au milieu culturel de se doter des outils nécessaires pour s’adapter et répondre aux transformations numériques, mais aussi le financement de la production, la protection des droits d’auteur et la réglementation des acteurs de l’industrie, par le biais notamment de redevance culturelle obligatoire ou d’une taxe sur les appareils permettant la lecture de contenus numériques.

La FCCF invite également le gouvernement à penser à une initiative de promotion ciblée pour mettre en valeur les contenus artistiques et culturels francophones et acadiens.

« Avec le numérique, nous avons toujours le risque d’être un peu perdus dans une marée de contenus principalement anglophones. C’est donc difficile d’atteindre nos audiences. Il faudrait, par exemple, s’assurer que le contenu francophone puisse être en avant-plan sur certaines plateformes pour favoriser sa visibilité », remarque M. Théberge.

Inquiétudes

La FCFA rejoint la FCCF sur la nécessité de mettre en place un système de redevances culturelles, que ce soit auprès des fournisseurs d’accès Internet ou sur les appareils permettant la lecture des contenus numériques afin d’appuyer le financement de la production de vidéo canadienne.

L’organisme porte-parole des francophones à l’extérieur du Québec s’est également intéressé, de son côté, à la question des médias francophones en milieu minoritaire, notamment les médias communautaires, dont les difficultés actuelles compliquent le virage numérique.

L’organisme rappelle que certains médias se sont déjà dotés de plateformes numériques, comme La Liberté, au Manitoba, ou Le Franco, en Alberta, mais pour que ce virage numérique puisse leur être profitable, le gouvernement devrait mettre en place un fonds d’appui « pour accomplir leur mission et négocier avec succès le virage numérique ».

La volonté du tout numérique constitue une inquiétude dans le milieu culturel et communautaire. Avec un œil sur Radio-Canada, la FCFA s’interroge notamment à savoir si ce virage numérique servira à mieux desservir les communautés francophones ou simplement à réduire les coûts.

« Nous voulons sensibiliser le gouvernement aux réalités régionales et linguistiques de nos communautés. Le gouvernement semble vouloir développer une politique ambitieuse et d’envergure, nous espérons que la francophonie canadienne aura une place dans ce plan d’action », lance Mme Lanthier.


« Les industries canadiennes de la création et de la culture constituent des vecteurs névralgiques de l’innovation et une composante vitale de notre économie. L’intersection de la culture et de la technologie offre d’énormes possibilités pour la croissance et la prospérité de notre pays. » – Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien


Selon les chiffres préliminaires fournis par Patrimoine canadien, quelque 30 000 Canadiens ont participé aux consultations #verslenumérique dont l’objectif est « de rehausser la création, la découverte et l’exportation de contenu canadien dans un monde numérique ». Le rapport final des consultations doit être rendu public d’ici la fin du mois de janvier.