Vers un changement de gouvernement dans le Manitoba

Le premier ministre progressiste-conservateur du Manitoba, Brian Pallister. Archives #ONfr

WINNIPEG – Il y a un an, le Nouveau Parti démocratique (NPD) mettait fin à un long règne des progressistes-conservateurs en Alberta. L’inverse pourrait directement se produire dans le Manitoba, ce mardi 19 avril.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Après plus de seize ans de domination à l’Assemblée législative de Winnipeg, soit quatre mandats consécutifs, le NPD est en passe de rendre les armes.

Si l’on croit ThreeHundredEight.com, un site internet reconnu pour l’exactitude de ses prédictions électorales, le Parti progressiste-conservateur du Manitoba (PC) pourrait obtenir 42 sièges, contre 11 pour les néo-démocrates et 4 pour les libéraux.

« On sent une volonté de changement des électeurs. Le gouvernement néo-démocrate est fatigué », analyse pour #ONfr, le professeur émérite de l’Université de Saint-Boniface, Raymond Hébert.

« En 2013, la décision du premier ministre, Greg Selinger, d’augmenter la taxe de vente provinciale avait beaucoup divisé l’électorat, provoquant une révolte au sein du cabinet Selinger. Cinq ministres avaient alors démissionné. »

Ce tournant du mandat, synonyme de révolte au sein du NPD, avait entraîné une course à la chefferie, en mars 2015, que M. Selinger avait emporté aux dépens de l’ancienne ministre de la Santé, Theresa Oswald, pour… 33 voix.

De là à jeter les électeurs dans les bras des progressistes-conservateurs? « C’est en fait quelque part un choix par défaut », croit M. Hébert. « Le chef du parti, Brian Pallister, a eu des déboires dus à ses absences au Costa Rica, bien qu’il soit député à l’Assemblée législative. Il n’est pas vraiment populaire, mais la chef du Parti libéral, Rana Bokhari, a fait une campagne désastreuse, sans compter que les électeurs ne veulent plus du NPD. »

Ces derniers jours, les conservateurs ont dû préciser que M. Pallister possède bien quatre propriétés et deux sociétés de portefeuille au Costa Rica.

Au-delà du choix de personnalité plane le souci de l’économie, selon le politologue. « Au cours des derniers mois, le déficit budgétaire du Manitoba est devenu plus important (environ 500 millions$). Or, le PC, partisan d’une politique d’austérité, semble plus capable de lutter contre ce déficit. »

Sans oublier que les progressistes-conservateurs représentent une alternative solide, estime M. Hébert. « Les libéraux n’ont plus formé de gouvernement depuis les années 50, alors que les conservateurs ont occupé le pouvoir de nombreuses fois par la suite. »

Francophonie

La possible défaite des troupes de M. Selinger cause une incertitude pour les 42000 Franco-Manitobains. D’autant que le président-directeur général de la Société franco-manitobaine (SFM), Daniel Boucher, est formel : les avancées ont été notables sous les mandats des deux premiers ministres Gary Doer (1999-2009), puis Greg Selinger.

« Il y a quand même eu la Loi sur l’Université de Saint-Boniface, puis des fonds plus importants alloués aux offices régionaux de la santé, sans compter la construction de nouvelles écoles francophones. »

Point noir pour les francophones : la politique sur les services en français adoptée en 1989 par la province ne s’est jamais transformée en une loi. Et lorsqu’à l’automne dernier, M. Selinger s’est finalement décidé à déposer un projet de loi dans ce sens, ce dernier est mort au feuilleton du fait du déclenchement des élections.

« Si l’on doit changer de gouvernement, nous avons l’assurance que les libéraux déposeront un projet identique. Les progressistes-conservateurs ne se sont jamais prononcés pour, mais jamais contre non plus », croit M. Boucher.

Les progressistes-conservateurs reprendront-ils le flambeau francophone? Pas sûr, estime M. Hébert. « Je ne suis pas très optimiste. La base électorale du parti est très rurale et anti-francophone. »