Université : prise de bec à Queen’s Park

TORONTO – La ministre Madeleine Meilleur affirme que le projet de loi privé des néo-démocrates de l’Ontario pour la création d’une université francophone est « vide de sens » et demande à la deuxième opposition de respecter « un processus qui est déjà en place ».

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Libéraux et néo-démocrates à Queen’s Park se sont bien crêpé le chignon sur le dossier de l’université franco-ontarienne lors de la période de questions du jeudi 3 mars, alors que les galeries du public étaient bondées d’élèves francophones.

La néo-démocrate France Gélinas, qui parraine le projet de loi 104 pour la création d’une université de langue française, a touché un nerf lorsqu’elle a demandé au ministre Reza Moridi, responsable de l’Enseignement supérieur, quand il comptait « faire le premier pas et mettre en place le comité transitoire de gouvernance pour une université ».

M. Moridi a répondu du tac au tac que l’« accès à l’éducation postsecondaire en français est d’une importance capitale » et qu’il y a présentement « deux universités dans la province de l’Ontario qui sont bilingues ».

Insatisfaite de cette réponse, l’élue de Nickel Belt a reformulé sa question. Cette fois, c’est la ministre responsable des Affaires francophones qui est montée au créneau.

« Le premier pas pour l’université francophone a été fait depuis longtemps », a martelé Mme Meilleur en français dans la Législature, ajoutant au passage que le projet de loi de son adversaire néo-démocrate, en faveur duquel le gouvernement a voté à deux occasions déjà, est « vide de sens ».

C’est la première fois depuis le dépôt du projet de loi 104, il y a près d’un an, que le projet d’université « par et pour » les francophones de l’Ontario fait des flammèches à Queen’s Park.

« On ne mettra pas (sur pied) une université francophone demain, parce qu’on devra établir sur des bases très solides pour s’assurer la pérennité de l’université francophone », a poursuivi Mme Meilleur, visiblement irritée. « On ne fera pas comme le Collège des Grands-Lacs qui a été mis sur pied sur le dos d’un napkin par les néo-démocrates et qui a été fermé par les conservateurs quelques années après. »

L’effet d’un électrochoc

Les propos de la ministre responsable des Affaires francophones ont eu l’effet d’un électrochoc pour l’opposition. Piqué au vif, le néo-démocrate Gilles Bisson n’a pu retenir sa colère. « Tu connais rien » et « va-t’en chez vous », a-t-il lancé sous le radar à sa rivale libérale.

La députée France Gélinas était encore un peu secouée à sa sortie de la période de questions, le 3 mars.

« Le projet de loi est solide et s’il était adopté, il mènerait certainement à la création d’une université de l’Ontario français », a fait valoir Mme Gélinas à #ONfr. « Ça devient de plus en plus clair qu’il y a de la zizanie dans le Parti libéral. Je crois que (Mme Meilleur) a encore le cœur à la bonne place. Elle veut faire avancer le dossier. Mais elle rencontre beaucoup de difficultés à l’intérieur de son parti. »

L’élue de Nickel Belt croit que le ministre de l’Enseignement supérieur est lui-même un obstacle au projet d’université franco-ontarienne et qu’il a « ajouté de l’huile sur le feu » lorsqu’il a évoqué les universités bilingues, alors que toutes les consultations menées jusqu’à présent par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) vont dans le sens d’une gouvernance francophone.

« Sur la bonne voie »

La ministre Madeleine Meilleur affirme pour sa part que le projet est « sur la bonne voie » et qu’il ne faut pas le court-circuiter. Le gouvernement doit d’abord prendre en délibéré les recommandations d’un comité consultatif sur l’accès aux programmes d’études en français dans le sud-ouest de la province, dont le ministre Reza Moridi attend un rapport final, avant de rendre son verdict.

« Le NPD a dit que rien n’avait été fait alors que le travail est commencé depuis au moins deux ans », a précisé Madeleine Meilleur à #ONfr. « Il doit y avoir un processus établi. Nous allons analyser les recommandations. Le ministre, et ensuite le gouvernement prendront une décision. Par la suite, si nécessaire, il y aura un projet de loi. Peut-être que ce ne sera même pas nécessaire », a-t-elle laissé entendre.

France Gélinas n’en croit rien. L’élue de Nickel Belt dit avoir vérifié avec plusieurs avocats et il faudrait bel et bien, selon elle, que la création d’une nouvelle université passe par un processus législatif.

Des voix dans la communauté franco-ontarienne s’élèvent régulièrement depuis 40 ans pour réclamer la gouvernance au niveau universitaire, comme c’est le cas au niveau des écoles élémentaires et secondaires ainsi que des collèges. Une « journée d’action » en appui au projet a rassemblé quelque 200 manifestants à Toronto, le 18 février. Des élèves et étudiants qui ont pris part à l’événement ont dit en avoir assez « de devoir s’exiler ou de se laisser assimiler » au moment d’entreprendre leurs études postsecondaires.