Université franco-ontarienne : une pédagogie « différente », dit Dyane Adam

La présidente du comité de planification de l'Université franco-ontarienne, Dyane Adam,

TORONTO – L’annonce de la création d’une université de langue française en Ontario a fait couler beaucoup d’encre depuis le début de la semaine. Mais peu a été dit sur les programmes et cours qui y seront offerts, tels que proposés par le Conseil de planification mandaté par le gouvernement. Dyane Adam, la présidente du groupe, explique sa vision.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

L’université franco-ontarienne n’aura pas de départements, contrairement à la quasi-totalité des autres institutions universitaires du pays. Chaque étudiant apprendra à son rythme de manière « expérientielle » dans un environnement où les cours magistraux feront figure d’exceptions. Les cours offerts seront collés sur les besoins du 21e siècle. C’est du moins la vision du Conseil de planification de l’université franco-ontarienne, qui a dévoilé son rapport en début de semaine. Mme Adam affirme que le projet proposé est atypique, mais à l’image des besoins de la société actuelle.

« Ce sera un environnement d’apprentissage différent, très distinct (…) Nous voulions créer une université du 21e siècle. Nous ne sommes plus dans un monde traditionnel, c’est un monde complexe, globalisé et pluriel, basé sur l’immigration », a indiqué Dyane Adam, lors d’un entretien avec #ONfr, plus de 48 heures après le dévoilement de son rapport.

Le projet d’université que son comité a soumis au gouvernement propose une offre de programmes divisée en trois volets.

1er volet : l’« ADN » de l’université

Quatre programmes « phares » ont été imaginés par le Conseil de planification pour la nouvelle université francophone : pluralité humaine, environnements urbains, économie mondialisée et cultures numériques. Des noms de programmes qui peuvent laisser songeurs, admet Dyane Adam.

« Ils tournent autour de grandes problématiques sociétales du 21e siècle et la réalité urbaine et plurielle de Toronto et du Centre-Sud-Ouest. Il n’y a pas de programmes du genre dans nos universités bilingues. Il y a des universités qui offrent ce genre de chose aux États-Unis », explique Dyane Adam. De nouvelles universités américaines, telles l’American University et la Sillicon Valley University, miseraient sur ce type d’approche, dit-elle.

Dans chacun des programmes, on propose différentes disciplines. Par exemple, dans le programme « environnements urbains », on mêlera des concepts de topographie, d’environnement, de géographie, mais aussi de technologie, d’urbanisme et de sociologie. Celui de « cultures numériques » abordera des thèmes aussi divers que l’intelligence artificielle, la musique, les arts visuels, la publicité et les jeux de simulation, notamment.

Les frontières entre ces quatre programmes seront poreuses, alors que les professeurs pourront enseigner dans l’une ou l’autre des branches, selon le rapport.

Écoutez une portion de l’entrevue accordée par Dyane Adam à #ONfr à propos des programmes proposés pour la future Université franco-ontarienne.

2e volet : des programmes pour combler les besoins en main-d’oeuvre

« Le deuxième volet vise à répondre aux besoins en main-d’œuvre dans les domaines de la santé, des services sociaux et du droit », explique Mme Adam. Des besoins pressants en main-d’œuvre ont été observés dans ces trois secteurs et la nouvelle université pourrait s’allier avec des établissements bilingues pour offrir des programmes adaptés, dit-elle.

Est-ce dire que l’université franco-ontarienne offrirait un programme de droit ou de médecine? « Les choix des programmes n’ont pas été faits, car nous n’avons eu que six mois pour monter cette université », se contente de répondre Mme Adam.

Elle cite en exemple le cas de l’Université St-Paul, d’Ottawa, qui pourrait s’allier à l’université franco-ontarienne pour offrir à Toronto son programme en « counselling ». La phase 2 de la mise en œuvre permettra de préciser l’offre de programmes dans ce second volet, insiste Dyane Adam.

3e volet : les francophiles dans la mire

Le troisième volet de l’université ciblera les étudiants francophiles. « Il y a au moins 3 000 étudiants chaque année qui diplôment de programmes d’immersion en 12e année dans notre région (…) Ces jeunes qui ont investi du temps dans des programmes en français vont surtout dans des universités anglophones et ne poursuivent pas de cours de français. Au terme de leur bac ou maîtrise, ils ont bien souvent perdu leur français », affirme Dyane Adam.

L’université franco-ontarienne leur tendrait la main, afin qu’ils puissent poursuivre leur perfectionnement linguistique en français à travers des cours dans des disciplines de leur choix. « On va leur proposer la possibilité de participer à quatre ou cinq cours au fil de leurs études pour obtenir un certificat de compétence linguistique en français », explique la présidente du Conseil de planification.

Une pédagogie atypique

La manière d’enseigner sera aussi différente au sein de la nouvelle université, à en croire Mme Adam. « Les jeunes vont étudier dans l’action, plutôt que dans des programmes théoriques », dit-elle. « On change le paradigme traditionnel de l’université où c’est le professeur qui a la science infuse. Dans un tel environnement, c’est l’étudiant qui est au centre », poursuit-elle.

Aussi, au lieu de souligner des points à retenir dans un contenu, on inciterait les étudiants à débattre entre eux pour trouver les points essentiels. Les professeurs devront aussi s’adapter à cette pédagogie différente. « Pour bien animer selon les principes d’une pédagogie inductive, il faut que la professeure ou le professeur prépare dix fois plus de contenu que ce qui sera présenté au final », selon le rapport.

Dyane Adam rappelle que si « très souvent les universités ont été critiquées d’évoluer en vase clos », la nouvelle université sera collée sur les réalités du monde professionnel et préparera l’étudiant aux prochains chapitres de sa vie, selon elle.