Une nouvelle orientation pour les langues officielles

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Archives, #ONfr

OTTAWA – Alors que les consultations en vue du prochain plan d’action pour les langues officielles se poursuivent à travers le Canada, deux politologues invitent le gouvernement à repenser sa vision des langues officielles.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Dans un mémoire transmis au gouvernement dans le cadre des consultations pancanadiennes sur les langues officielles, les professeurs de science politique à l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, et à l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, Rémi Léger, rappellent au gouvernement la raison d’être du plan d’action pour les langues officielles.

Selon eux, le prochain document doit rappeler l’importance des langues officielles, leur donner un supplément de sens et guider l’action gouvernementale envers les minorités de langue officielle.

« Le plan d’action est devenu nécessaire car il permet au gouvernement de mieux cibler son action et de se donner des mécanismes d’évaluation de son efficacité à favoriser le développement et l’épanouissement des minorités de langue officielle », peut-on lire dans le document dont #ONfr a obtenu copie.

« Nous avons voulu faire cet exercice au début des consultations afin d’aider le gouvernement à réfléchir de manière globale à ce qu’il veut faire avec son plan d’action. Les organismes et intervenants vont apporter leur perspective et parler des enjeux sur le terrain, nous voulions y ajouter nos observations de chercheurs », explique Mme Cardinal qui travaille sur le sujet depuis de nombreuses années, tout comme son collègue M. Léger.

Raison d’être

Pour les deux professeurs, la raison d’être du plan d’action a été oubliée depuis sa création en 2003.

« En 2003, le plan Dion a été mis en place après plusieurs années de compressions. Le gouvernement libéral de l’époque voulait donner un coup de barre aux langues officielles en se donnant un outil de politique publique prônant le développement social et économique des communautés minoritaires de langue officielle. Mais progressivement, en 2008, puis en 2013, sous le gouvernement conservateur, cet objectif a été perdu de vue au profit d’une approche plus utilitaire et partisane du plan d’action », estime Mme Cardinal.

La professeure titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques considère que la première version du plan a permis de donner une certaine cohérence aux actions du gouvernement fédéral, mais aussi de guider les actions des gouvernements provinciaux. Selon elle, l’exemple est notable en matière de justice.

« À l’origine, le plan d’action servait de guide, mais après 2008, c’est devenu un document fourre-tout et très opaque », analyse-t-elle. « Les conservateurs ont beaucoup insisté sur les langues officielles comme avantage pour l’économie du pays. Il y avait un décalage entre ce que disait la communauté, par la voix de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, et la vision et les priorités du gouvernement. Il est important que le nouveau gouvernement se défasse de cette vision utilitariste. »

Manque d’enthousiasme

Toutefois, depuis son élection en octobre dernier, le Parti libéral du Canada (PLC) ne démontre pas non plus un grand enthousiasme pour les langues officielles, note Mme Cardinal.

Que ce soit lors du discours du premier ministre pour la Fête du Canada le 1er juillet ou lorsqu’il est question d’évoquer les 150 ans de la Confédération en 2017, le gouvernement préfère insister sur la diversité culturelle comme richesse canadienne que sur la valeur du français et de l’anglais comme valeurs fondamentales du pays.

« Dans le programme libéral, la place des langues officielles a été réduite comme peau de chagrin. Pourtant, le gouvernement compte beaucoup de francophones hors Québec qui pourraient influencer le parti et être des alliés pour les langues officielles. Le gouvernement manque de sensibilité à cet égard, il doit donner un coup de barre, comme en 2003! »

Si elle vante le retour du dialogue entre les communautés et le gouvernement, Mme Cardinal insiste que cela ne suffit pas.

« Il y a de nouveau une certaine proximité. On se parle, on se sourit, on fait des photos… mais ça ne doit pas se limiter à ça. Le gouvernement doit réfléchir à mieux solliciter et intégrer les organismes et groupes communautaires dans la gouvernance des langues officielles, notamment en terme de prestations de services, en ayant des francophones sur les conseils d’administration. Le gouvernement doit valoriser l’expertise développée par les organismes francophones. »