Un webkit franco

Alors que le gouvernement a achevé, fin novembre, ses consultations sur le virage numérique, plusieurs organismes francophones souhaitent en profiter pour concrétiser ce virage en opportunités pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Crédit photo: Archives

[CHRONIQUE]

Quand on vit en minorité aigue, c’est tellement facile de se sentir déconnecté de la francophonie. On vit en anglais, on reçoit les cultures francophones filtrées par des budgets gouvernementaux, dans les centres communautaires, via Radio-Canada… Notre quotidien anglophone a plus de poids sur notre construction identitaire individuelle que tous les services en français et les projets en francophonie qu’on vit, au mieux, de façon sporadique.

CÉLESTE GODIN
Chroniqueuse invitée
@haligeenne

Et pendant que nos communautés stagnent dans leur rapprochement au web comme outil de rassemblement et de diffusion à une échelle massive, l’internet continue d’avancer à la vitesse de la lumière. Aujourd’hui, je vis ma francophonie autant sur mon écran qu’autrement. Malgré ma confiance personnelle en mon utilisation de la langue et de ma connexion aux cultures francophones, il suffit d’être dans une conversation où tout le monde parle d’un artiste que « tout le monde connait » (sauf moi) pour sentir le plein handicap culturel de vivre dans une extrême minorité linguistique. Ça ne prend presque rien pour qu’on se sente « moins que », même chez les plus engagés.

Alors je m’arme contre la honte avec le web. L’internet me permet de « vivre » plus en français, sans déranger qui que ce soit ou même faire face aux défis de la confiance linguistique. C’est moi, mon ordi et mon téléphone contre le monde. Voici mon webkit personnel pour m’aider moi-même.

La base secrète

La première étape, essentielle à suivre, est de changer tous ses réglages de langue dans les outils qu’on utilise déjà. Avoir son système d’exploitation, ses réglages Gmail, Facebook et autres en français a un impact significatif sur l’expérience web. Quand l’internet sait que tu es francophone, ça te suggère du contenu plus souvent en français, et te présente le « cadrage » de ton contenu en français.

Si c’est peut-être un peu intimidant de tout à coup voir « téléverser une photo » au lieu de « upload », on s’y habitue très vite, et tous les boutons sont à la même place. C’est une façon subtile d’absorber du français sans déranger qui que ce soit.

De plus, puisque Google et Facebook deviennent de plus en plus des « identifications web » auprès d’autres sites, les avoir en français a un effet multiplicateur. Quand je télécharge des applications sur mon téléphone, elles sont parfois automatiquement en français. Ça ne change rien à mon expérience d’utilisateur d’avoir Candy Crush en français, et c’est clair qu’avoir quelques mots de français de plus dans ma journée ne me fait pas de tort.

Les médias sociaux

Il n’y a rien de plus omniprésent dans nos connexions interpersonnelles que les médias sociaux. Ces outils, accusés de tous les maux par la société, sont les mêmes qui ont le potentiel de rassembler la francophonie et de lui permettre une diffusion plus large. Il suffit de suivre les personnes qui font du contenu en français qu’on aime.

Un bon point de départ est de suivre les artistes qu’on aime et d’ajouter d’autres choses à mesure. La proportion de contenu francophone dans ton fil de nouvelles n’est pas important.

Dans cet univers, plus c’est plus. Le but c’est d’avoir du contenu que tu as envie de voir et d’interagir avec, pas de plaire à qui que ce soit. Attention de ne pas suivre tous les organismes francophones d’un coup et de conclure qu’il n’y a rien d’intéressant en français, suite à leurs tweets semi-corporatifs.

De plus, ces espaces permettent à n’importe qui de participer directement à la discussion, sans aucun préalable. C’est un accès direct et citoyen à la discussion sur la francophonie.

Par contre, ce n’est pas toujours évident de choisir de publier des statuts en français dans les environnements mixtes de nos réseaux sociaux. On a tendance à avoir peur d’exclure les unilingues anglophones. Les outils s’améliorent toutefois, et Google et Facebook offrent maintenant des traductions plus ou moins acceptables, même si humoristiquement imparfaites.

C’est par le web que la masse des franco-perdus peut vivre en français un peu. Il suffit de faire le choix de faire quelques actions, et de se doter de patience pour trouver les espaces web qui conviennent à nos intérêts personnels.

Même si la majorité de notre consommation web se fait en anglais, dans ce cas, plus c’est plus, chaque petit bout de contenu est un pas vers l’avant.

En attendant, je vous propose de partager vos suggestions préférées sur Twitter en utilisant le mot-clé #webkitfranco.

Céleste Godin est une écrivaine et militante acadienne de la Nouvelle-Écosse.

*Cette chronique est présentée en deux épisodes. La prochaine chronique portera sur les endroits sur internet où trouver du contenu en français. À suivre donc…

Note : Les opinions exprimées dans les chroniques publiées sur #ONfr n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.