Un remaniement trop « mini » pour Kathleen Wynne

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Crédit image: Archives

[ANALYSE]

TORONTO – Kathleen Wynne a imité Justin Trudeau cette semaine. Deux jours après le remaniement ministériel au gouvernement fédéral, l’équipe libérale s’est elle aussi donnée un peu d’oxygène. Même si l’ampleur de ces changements à Queen’s Park, lesquels ne concernent que quelques ministères, ne tient pas la comparaison avec Ottawa.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La démission de David Orazietti à titre de ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels le 16 décembre a sans doute précipité ce « mini-remaniement ». Et c’est Marie-France Lalonde qui quitte donc le ministère des Services gouvernementaux et du Service aux consommateurs pour s’emparer du portefeuille laissé vacant.

Si la députée d’Ottawa-Orléans n’a cessé de prendre du galon depuis son élection en juin 2014, devenant entre-temps whip en chef du gouvernement puis ministre déléguée aux Affaires francophones (poste qu’elle conserve aujourd’hui), la marche pourrait être cette fois-ci plus ardue pour elle.

Bien des politiciens expérimentés (Jim Bradley, Madeleine Meilleur, Yasir Naqvi) se sont avant elle cassés les dents sur les enjeux de ce ministère directement reliés à la gestion compliquée des prisons : surpopulation carcérale, désuétude des lieux, manque de ressources qui mènent bien souvent à des mauvais traitements de détenus.

Ministre depuis tout juste six mois, Mme Lalonde devra redoubler d’efforts si elle veut réussir le défi. Il y a plusieurs semaines, la ministre déléguée aux Affaires francophones avait suscité quelques remous auprès des étudiants franco-ontariens. La raison? Des mots mal choisis pour justifier l’absence « des jeunes » dans le processus final de la création d’une université de langue française. Pas franchement un faux-pas, mais une maladresse. Et celles-ci pourraient se payer plus lourdement au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.

Que l’unique francophone du gouvernement de Kathleen Wynne obtienne une promotion, cela constitue en tout cas une bonne nouvelle. Petite curiosité : l’absence de Nathalie Des Rosiers dans la liste des ministres intronisés, jeudi matin. Doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, la nouvelle députée d’Ottawa-Vanier possède un bagage universitaire très intéressant qui aurait pu lui ouvrir les portes de beaucoup de ministères.

Tacticienne souvent sous-estimée, Kathleen Wynne cherche peut-être à gagner du temps pour lancer ses meilleures cartes dans lesquelles figureraient Mme Des Rosiers. Très en difficulté dans les sondages, la première ministre de l’Ontario doit absolument convaincre à moins d’un an et demi des élections provinciales.

Force est d’admettre que ce changement de têtes pour relancer la machine libérale grippée tarde à venir. En juin dernier, le gouvernement avait déjà procédé à un remaniement plus important, suivi par un Discours du trône avant la rentrée à Queen’s Park à l’automne histoire de se donner un peu d’air. C’est quand même bien peu.

La marge de manœuvre est bien plus étroite qu’elle n’y parait pour Mme Wynne. La relève ne se bouscule pas vraiment du côté de Queen’s Park pour occuper des postes à responsabilité.

Que le ministre Orazietti, considéré comme une étoile montante, ait jeté l’éponge pour devenir doyen du Sault College de Sault-Sainte-Marie, ou encore que Mathieu Fleury ait refusé une investiture dans Ottawa-Vanier pourtant offerte sur un plateau d’argent montrent bien le faible attrait du gouvernement actuel pour les politiciens prometteurs.

Pour éviter une cuisante défaite électorale en juin 2018, Mme Wynne peut toujours compter sur l’équilibre budgétaire, les revenus du marché du carbone, ou encore la division des progressistes-conservateurs, en tête des sondages, sur les enjeux sociétaux.

C’est en cela finalement que l’année 2017 sera cruciale pour Mme Wynne. Et que les mini-remaniements, s’ils doivent se répéter, restent bien insuffisants pour sauver un gouvernement aux abois.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 14 janvier