Un an après, retour sur les enjeux francophones de la campagne

Justin Trudeau, peu après son élection comme premier ministre en 2015. Archives #ONfr

OTTAWA – Il y a un an quasiment jour pour jour démarrait la campagne des élections fédérales. #ONfr dressait à cette occasion une liste de cinq enjeux pour les francophones en milieu minoritaire : l’immigration, la Feuille de route, la Loi sur les langues officielles, la désignation bilingue d’Ottawa et les médias. Le gouvernement Trudeau a-t-il comblé les espérances des francophones? Analyse avec la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et l’universitaire Michel Doucet.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Immigration. Voilà le thème de notre liste d’enjeux sur lequel le gouvernement libéral a sans doute le plus avancé. Deux faits majeurs à l’actif de l’équipe de Justin Trudeau : la mise en place du programme Mobilité francophone pour remplacer le programme Avantage significatif francophone supprimé par le gouvernement Harper, mais aussi une cible sur l’immigration francophone revue à une hausse de 5 % lors du dernier Conseil de la fédération. « C’est certainement pas pire que ça ne l’était avant », confirme Sylviane Lanthier, la présidente de la FCFA. « Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, John McCallum, a agi rapidement, même si nous sommes conscients que le programme Mobilité francophone ne règlera pas tout. » On parle toujours aujourd’hui de moins de 1,5 % de nouveaux arrivants francophones en milieu minoritaire.

Loi sur les langues officielles. L’année 2016 coïncide avec le 50e anniversaire des premières réunions des États généraux du Canada français, lesquelles ont abouti à la Loi sur les langues officielles (1969). Une loi justement connue pour sa difficulté à être appliquée. La compagnie Air-Canada et les différents aéroports sont souvent montrés comme les mauvaises élèves en la matière. « On sent que le gouvernement est sensible au bilinguisme et à cette loi, mais il n y’a pas encore une directive claire », souligne Mme Lanthier. « Il manque quelque chose, mais il faut reconnaître que cela ne faisait pas partie des promesses de Justin Trudeau », argumente M. Doucet. L’universitaire de Moncton plaide en faveur de pouvoirs élargis pour le commissaire aux langues officielles qui permettrait notamment aux institutions fédérales d’être imputables.

Médias. Le sujet de l’avenir de Radio-Canada était au cœur des débats de la campagne des élections fédérales, l’an passé. La FCFA n’a cessé alors de monter aux barricades pour dénoncer les coupures imposées au diffuseur public. Autant de menaces pour la représentation des francophones en milieu minoritaire. Lors du dépôt du budget le 22 mars, le gouvernement libéral s’est engagé à un réinvestissement de 675 millions $ sur 5 ans pour CBC/Radio-Canada. Assez satisfaisant? « Nous espérons que cette augmentation soit transférée de manière équitable pour les communautés francophones », prévient Sylviane Lanthier. Pour les journaux communautaires hors Québec, la FCFA demande toujours la mise en place de nouveaux outils de financement. De 2006 à 2013, ces sources d’information hors Québec ont perdu 1,47 million $ en revenus publicitaires issus… du gouvernement fédéral.

Désignation bilingue d’Ottawa. La Confédération canadienne fêtera son 150e anniversaire le 1er juillet 2017. Difficile de parier sur la désignation bilingue de la Ville d’Ottawa pour cette date. Le gouvernement de Justin Trudeau a pour l’instant soigneusement éludé la question. « 2017 représente une occasion rêvée, mais nous sommes conscients que les trois paliers gouvernementaux se renvoient la balle », soutient Mme Lanthier. Sur le terrain, les militants francophones font toujours pression pour que les conseillers municipaux se prononcent sur une résolution demandant à l’Assemblée législative de l’Ontario d’adopter un projet de loi visant la reconnaissance de l’égalité de statut des langues française et anglaise au sein de la ville. « Le gouvernement fédéral pourrait utiliser une pression forte sur la Ville d’Ottawa et le gouvernement de l’Ontario. Il a en effet un pouvoir moral et politique », analyse M. Doucet.

Feuille de route. La stratégie quinquennale de 1,1 milliard pour les communautés linguistiques en situation minoritaire, mieux connue sous le nom de la Feuille de route, doit absolument être bonifiée si l’on en croît les francophones. Cette enveloppe est destinée à l’éducation, l’immigration et les communautés en milieu minoritaire. Point encourageant : la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a donné le coup d’envoi en juin des consultations pancanadiennes sur les langues officielles. Cet exercice doit permettre d’établir la prochaine Feuille de route pour les langues officielles, en 2018. « La ministre était à l’écoute », confirme prudemment Mme Lanthier avant de conclure aussitôt : « Mais au sujet de la Feuille de route, c’est encore trop tôt pour se prononcer. »