Traite des femmes en Ontario : des francophones mobilisés

TORONTO – Des femmes sont gardées contre leur gré et exploitées sexuellement, en Ontario. Un phénomène complexe et secret, qui constitue une violation aux droits de la personne les plus élémentaires. L’organisme francophone Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOCVF) développe une stratégie pour s’y attaquer, dans la lignée des initiatives du gouvernement ontarien.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« La traite de personnes, c’est le fait de recruter des personnes vulnérables pour les exploiter ou de leur faire faire du travail forcé (…) Même s’il est difficile de mesurer l’ampleur de la traite, 65 % des cas de traite de personnes au Canada se déroulent en Ontario », explique Maïra Martin, directrice de l’AOCVF.

Et bien souvent, l’objectif est l’exploitation sexuelle de cette personne, indique-t-elle. « On revient à la base de ce que c’est l’exploitation sexuelle : c’est la volonté des hommes d’obtenir des faveurs sexuelles de femmes. Pour nous, c’est une forme de violence, de domination. Si les acheteurs masculins comprenaient qu’il n’est pas acceptable d’acheter des faveurs sexuelles, il n’y aurait plus de traite de personnes », croit-elle.

Son organisme a hérité d’une subvention de 326 774 $ de la part du Ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario. Un projet qui s’échelonnera sur trois ans doit permettre de développer des outils pour sensibiliser les intervenants qui pourraient croiser le chemin des personnes exploitées.

Car ce n’est pas facile de les extirper des mains de leurs bourreaux. « Les personnes exploitées sont bougées entre différents pays ou à l’intérieur du Canada. Ainsi, on garde les personnes prisonnières, car elles n’ont plus de liens avec leurs amis ou leur famille. Elles sont déplacées aux quelques mois », souligne Mme Martin. Et bien souvent ces femmes sont gardées prisonnières de chambres d’hôtel des banlieues des grandes villes, où elles n’ont que peu de contacts avec l’extérieur.

Les autorités policières torontoises ont indiqué à plusieurs reprises que les femmes francophones sont en demande auprès des réseaux de traite de personnes et de leurs clients. « Ça touche les femmes francophones. Plusieurs femmes du Québec sont déplacées en Ontario. Il y a aussi des femmes franco-ontariennes. Plusieurs organismes et intervenants francophones pourraient aider davantage les personnes victimes », fait valoir Mme Martin.

« Il y a un réseau de professionnels francophones qui va bénéficier des outils et formations que nous développons. Il n’y a pas d’outil en français disponible en Ontario, nous allons les créer », complète-t-elle.

Des perspectives différentes

Si tous dénoncent la traite des personnes, tous les organismes d’aide aux femmes ne sont pas du même avis au sujet de la prostitution. Certains groupes considèrent que les travailleuses du sexe ont le droit de faire usage de leur corps de la manière dont elles le souhaitent, incluant en étant active dans l’industrie du sexe.

Maïra Martin confirme que cette vision existe, mais elle ne la partage pas. « Dans notre organisme, on a une vision globale et on parle d’exploitation sexuelle. On n’est pas d’accord avec la prostitution volontaire. Pour nous, même une femme qui est non-contrainte d’entrer dans la prostitution, elle le fait pas de son plein gré, c’est un manque de choix.  C’est lié au fait que pour ces femmes, il est difficile de trouver un travail, qu’elles sont davatange sous-payées », tranche-t-elle.

Créée en 1988, AOcVF est un regroupement provincial féministe et francophone de maisons d’hébergement, de centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et de programmes en violence faite aux femmes,

L’Ontario a fait la promesse d’investir jusqu’à 72 millions de dollars dans une stratégie de lutte contre la traite des personnes visant à accroître la sensibilisation et la coordination, à accroître les initiatives du secteur de la justice et à améliorer l’accès aux services pour les personnes survivantes.