Retrait de Madeleine Meilleur : « On est en terrain inconnu »

Madeleine Meilleur Crédit image: #ONfr

OTTAWA – Du jamais vu. La décision de Madeleine Meilleur de quitter le processus de nomination du poste de commissaire aux langues officielles constitue une première dans l’histoire du pays, selon des experts. Ces juristes ne s’entendent pas sur la suite des choses.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« On est en terrain inconnu. Depuis que ce poste existe, jamais, de mon souvenir, nous n’avons vu une telle situation. En fait, je crois que c’est une première pour l’ensemble des processus de nomination de hauts officiers du gouvernement », affirme Me François Larocque, juriste et doyen de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

Il n’est pas seul à souligner le caractère inédit de la situation actuelle. « Qu’une personne aussi loin dans le processus retire sa candidature à la suite de problèmes de ce genre, c’est du jamais vu », renchérit le juriste Marc-André Roy, spécialiste des langues officielles.

Selon lui, il est difficile de prévoir ce que le gouvernement va faire à partir de maintenant.

« Face aux critiques, je crois qu’il serait sage de repartir le processus de nomination du début et ne prendre aucune chance. Tout le monde pourra à nouveau poser sa candidature » – Marc-André Roy, juriste

Selon Me Roy, il faudra que le gouvernement précise le processus. Et rapidement. « Il faut éviter le même genre de problème. C’est d’autant plus important que plusieurs autres postes de hauts fonctionnaires vont bientôt se libérer et devoir être pourvus », souligne-t-il. « Il ne faut pas un mauvais précédent pour les prochaines années, ça pourrait être très problématique », ajoute le juriste.

Les autres candidats seront-ils consultés?

Le doyen de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa apporte un autre son de cloche. Il serait surprenant, selon lui, que le processus de nomination soit complètement annulé.

« Je  ne peux pas m’imaginer qu’on reparte à zéro. Il y a eu un long et gros travail de fait pour recevoir des candidatures. Mais il va falloir que la suite des choses se fasse de manière concertée » – Me François Larocque

Selon lui, le gouvernement pourrait décider de tendre la main à l’opposition et miser sur une candidature, déjà en banque, mais qui pourrait davantage faire consensus.

« Il va y avoir des coups de fil qui vont être faits au cours des prochains jours pour voir si les candidats sont toujours intéressés. Avec toute cette débâcle, certains pourraient être frileux face au poste », croit-il.

Une controverse qui aura des conséquences

Les deux juristes s’entendent sur les conséquences que cette controverse aura sur la légitimité des processus de nomination des hauts fonctionnaires.

« Ce n’est pas une victoire pour qui que ce soit. On a fini par jeter de l’ombre et politiser un poste qui était censé être au-dessus de la politique », s’attriste Me Larocque. Du même souffle, il admet que la controverse aura aussi fait émerger un idéal, beaucoup plus noble. « La procédure et la rigueur sont les grandes gagnantes. Il va maintenant falloir miser sur un processus qui va coller à la lettre à procédure », tranche-t-il.

Son collègue, Me Roy, croit que des leçons devront être tirées de cet épisode. « Il faut des règles préétablies claires », insiste-t-il.

Le gouvernement n’a toujours pas fait connaître sa position sur la suite des choses. Aucune nouvelle communication ne devait être faite à ce sujet, le mercredi 7 juin, a indiqué un porte-parole de la ministre Mélanie Joly.