Rentrée parlementaire : enfin du concret pour les langues officielles?

La ville d'Ottawa. Source: Pixabay

OTTAWA – Alors que les 335 députés qui siègent actuellement à la Chambre des communes sont de retour à Ottawa, le lundi 30 janvier, les francophones à l’extérieur du Québec comme les partis d’opposition surveillent de près le gouvernement libéral sur le dossier des langues officielles.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Les partis d’opposition attendent de pied ferme le gouvernement de Justin Trudeau. La porte-parole pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher, ne mâche pas ses mots à l’encontre des libéraux, notamment après le récent faux-pas de Justin Trudeau lors de ses consultations pancanadiennes.

« On a un gouvernement qui se dit très ouvert aux langues officielles mais qui a supprimé toute référence à celles-ci. Il va falloir qu’il fournisse enfin des réponses et des actions concrètes et passe à autre chose que des consultations! Je voudrais aussi que le premier ministre nous explique clairement pourquoi il n’a pas répondu dans la langue officielle de leur choix aux citoyens qu’il a rencontrés lors de sa tournée. »

En ce début d’année, la députée de Beauport-Côte-de-Beaupré-Île d’Orléans-Charlevoix dit vouloir se concentrer sur l’enjeu de l’accès à la santé dans la langue officielle de son choix à travers le Canada, mais aussi sur le respect des langues officielles chez Air Canada, l’immigration francophone et l’accès à la justice.

Même son de cloche du côté de son homologue néo-démocrate François Choquette qui devrait pouvoir défendre, en 2017, son projet de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.

« Il va y avoir un débat et l’accès à la justice dans les deux langues officielles reste une de mes priorités. J’aimerais être confiant, mais lors de mes discussions avec le nouveau secrétaire parlementaire de Mme Joly, Sean Casey, ce dernier ne semblait pas ouvert à une loi. J’espère qu’il changera d’avis. »

La nomination d’un nouveau commissaire aux langues officielles, tout comme l’avenir du bureau de la traduction, qui a occupé plusieurs réunions du comité permanent des langues officielles en 2016, ainsi que le bilinguisme des agents de la Gendarmerie royale du Canada sur la colline du parlement seront aussi sur son radar, sans oublier le dossier de l’immigration francophone et de la petite enfance.

« L’immigration francophone à l’extérieur du Québec est une priorité. Le gouvernement ne peut pas dire qu’il souhaite l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire s’il ne fait pas les investissements nécessaires dans ce domaine. Le comité des langues officielles a fait un rapport là-dessus et nous allons veiller à ce qu’il y ait un suivi. »

Les priorités de la FCFA

Moins impatiente, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada demande toutefois elle aussi des actions concrètes, notamment pour contrer les prévisions inquiétantes de Statistique Canada.

« Il y a plusieurs urgences, notamment en matière d’immigration francophone, mais aussi de petite enfance… Nous allons aussi surveiller ce qu’il y aura dans le budget. On espère des signaux intéressants pour nos communautés. On surveillera également la concoction du plan d’action pour les langues officielles et la nomination du ou de la prochaine commissaire aux langues officielles car c’est une personne qui joue un rôle très important », explique la présidente de l’organisme, Sylviane Lanthier.

Le récent remaniement ministériel a fait perdre quelques alliés aux francophones en situation minoritaire avec les départs du franco-albertain Randy Boissonnault comme secrétaire parlementaire à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, et celui de John McCallum à titre de ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC).

Pour l’instant, l’une des rares mesures concrètes annoncées par le gouvernement du Canada est d’ailleurs venue de ce dernier avec le rétablissement d’un programme de promotion et de stimulation de l’immigration francophone à l’extérieur du Québec.

Patience

Mais outre cette annonce, et dans une moindre mesure celle du rétablissement du questionnaire long et obligatoire du recensement, des actions concrètes restent encore attendues.

Malgré la nomination du juge Malcom Rowe à la Cour suprême du Canada, le gouvernement libéral reste opposé à une loi sur la question, telle que souhaitée par la FCFA. Toujours en matière de justice, les détails entourant la remise en place et l’élargissement du Programme de contestation judiciaire se font toujours attendre, alors que le mandat du Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL) se termine le 31 mars.

De même, si le gouvernement a annoncé la révision des règles qui déterminent où il doit fournir des services bilingues à travers le Canada, celle-ci passera par des consultations, et il faudra donc encore patienter, tout comme pour connaître les détails du prochain plan d’action pour les langues officielles.

Ils comptent toutefois sur Sean Casey, le remplaçant de M. Boissonnault qu’on dit très francophile, et l’Acadien Serge Cormier, secrétaire parlementaire à IRCC, pour leur servir d’alliés dans des ministères décisifs, peuvent peut-être espérer l’attention de la députée néo-brunswickoise, Ginette Petitpas-Taylor, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, quand viendra le temps d’établir le budget. L’an dernier, malgré leurs demandes d’indexation de leur financement, gelé depuis dix ans, les organismes francophones à l’extérieur du Québec n’avaient pas obtenu gain de cause.

De nouveaux alliés pourraient également arriver à la Chambre des communes. Trois sièges sont actuellement vacants et des élections partielles doivent avoir lieu dans les circonscriptions de Calgary-Heritage, Calgary Midnapore et Ottawa-Vanier. Leur date n’a toutefois pas été encore précisée.