Règlement XVII : Des excuses « broche à foin »

Le député Glenn Thibeault et la ministre Madeleine Meilleur avec l'ex président de l'ACFO de Sudbury Denis Constantineau, de , et des membres de la communauté franco-ontarienne lors des excuses officielles de Queen's Park pour le Règlement XVII, le 22 février. Archives ONFR+

[CHRONIQUE]

Si j’étais Franco-Ontarien, les excuses officielles du gouvernement de l’Ontario pour le Règlement XVII, lundi 22 février, m’auraient laissé sur ma faim. Pour le dire franchement, j’aurais toujours l’estomac dans les talons. 

REMI LÉGER
Chroniqueur invité
@ReLeger

Soyons clair dès le départ : je suis d’avis que les excuses publiques ont leur place dans nos sociétés.

Pendant une longue période, tant au Canada qu’ailleurs, les majorités ont gouverné en faisant fi des minorités. Des traités sont tombés aux oubliettes, des lois protégeant les minorités ont été abrogées et les promesses étaient faites pour ne pas être tenues.

C’est l’histoire de la plupart des peuples et des communautés francophones hors Québec. C’est aussi celle des Premières Nations. Et de la plupart des autres minorités en contexte canadien.

Cette conséquence fâcheuse de la démocratie porte un nom : la tyrannie de la majorité.

Au Canada, cette période sombre de la démocratie est dans une large mesure révolue. La démocratie canadienne est désormais conjuguée au droit des minorités – pensons à l’éventail de pratiques fédérales, provinciales et municipales visant à mieux respecter les minorités, qu’elles soient linguistiques, religieuses ou culturelles. La situation est loin d’être parfaite, mais nous sommes à mille lieues de l’époque du Règlement XVII.

Les excuses publiques sont l’un des moyens à la disposition d’un gouvernement visant à revoir sa conception de la démocratie en vue d’y incorporer le droit des minorités. De manière précise, les excuses ouvrent la voie à la réconciliation. Jumelées au dialogue soutenu, les excuses publiques peuvent ultimement jeter les bases d’une nouvelle relation entre les peuples.

Des excuses marquantes…

De nombreux gouvernements canadiens se sont excusés au cours des deux dernières décennies. À mon sens, l’exemple canadien le plus frappant est les excuses fédérales présentées aux élèves des pensionnats autochtones.

L’événement extraordinaire avait réuni plusieurs centaines de membres des Premières Nations sur la colline parlementaire. Onze invités d’honneur, dont six survivants des pensionnats, avaient un siège sur le parterre de la Chambre des communes durant la cérémonie. Le premier ministre Stephen Harper et les trois chefs de l’opposition avaient tour à tour présentés leurs excuses. Cinq leaders des Premières Nations avaient aussi pris la parole. Le Parlement canadien avait même interrompu toutes ses activités normales pour la journée afin de souligner l’événement.

Cet exemple est important parce qu’il permet d’illustrer les manquements flagrants des excuses officielles présentées aux Franco-Ontariens. Pour l’essentiel, une expression m’est rapidement venue à l’esprit dans le dossier des excuses pour le Règlement XVII : broche à foin.

D’autres moins

Le gouvernement ontarien a tergiversé. Les excuses sont devenues l’énigme de la semaine à Queen’s Park. La date des excuses a été inexplicablement confirmée moins d’une journée ouvrable avant la tenue de l’événement. Le gouvernement a attendu le matin même pour confirmer l’heure exacte. L’événement n’était même pas à l’itinéraire de la première ministre que son bureau envoie aux médias. La preuve ultime du broche à foin : la première ministre Kathleen Wynne était absente de la photo officielle avec les Franco-Ontariens présents à l’événement.

Seulement le tiers des députés était présent pour la présentation des excuses. C’est catastrophique parce que la forme est aussi importante que le fond dans le champ des excuses publiques. Pour moi, l’absence de 70 députés remet en cause le poids des paroles du gouvernement, mais aussi son désir de véritablement rétablir les relations avec le peuple franco-ontarien.

Enfin, la petite politique a malheureusement joué le trouble-fête. La ministre déléguée aux Affaires francophones a commencé sa journée en accusant les néo-démocrates d’avoir voulu faire dérailler la présentation des excuses. La chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Andrea Horwath, a aussitôt nié l’allégation.

Un peu plus tard dans la journée, la ministre s’est dite « un peu jalouse » de son collègue Glenn Thibeault, qui a piloté le dossier des excuses à travers le processus législatif. Il semblerait que le capital politique était aussi important que le résultat ultime, les excuses aux Franco-Ontariens. Bref, pour une bonne partie de la journée, les projecteurs ont été braqués sur la ministre, tandis que c’est le peuple franco-ontarien qui était à l’honneur.

En terminant, je souhaite vivement que les excuses officielles jettent les bases d’une nouvelle relation entre le peuple franco-ontarien et le gouvernement ontarien. De nombreux dossiers importants sur lesquels planchent les institutions et les organismes franco-ontariens méritent un soutien moral mais aussi financier de la part de Queen’s Park.

Rémi Léger est professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver.

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