Quel avenir pour la dualité linguistique au Canada?

La commissaire aux langues officielles du Canada, Ghislaine Saikaley. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – Quel avenir pour la dualité linguistique au Canada? C’est la question à laquelle tentait de répondre un panel convié par le Commissariat aux langues officielles du Canada lors d’une conférence organisée simultanément dans six villes canadiennes, le jeudi 30 novembre. #ONfr a interrogé plusieurs panélistes pour recueillir leur opinion.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Dualité linguistique ou bilinguisme? Pour le directeur du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, Gino LeBlanc, la nuance est importante.

« Le bilinguisme, ce sont des capacités et des institutions, mais pas un projet de société. Ce sont des services en français et en anglais, de l’affichage, des capacités linguistiques personnelles… La dualité linguistique, c’est bien plus fort que ça. C’est l’autonomie de la communauté francophone dans la gestion de ses écoles, une prise en charge de son développement économique, de son immigration… Ma vision de la dualité linguistique? Ce serait qu’il devienne aussi parfaitement normal que possible de vivre en français à Winnipeg, Moncton, Halifax ou Vancouver. »

Et si après 150 ans, les défis demeurent, la commissaire aux langues officielles du Canada par intérim, Ghislaine Saikaley, se montre plutôt optimiste.

« Malgré les projections démographiques et linguistiques inquiétantes, on voit qu’il y a un appui des Canadiens aux langues officielles et au bilinguisme. Et ce ne sont pas les idées qui manquent pour solidifier la dualité linguistique canadienne et faire en sorte que les deux langues officielles puissent s’épanouir et se compléter. »

Des lieux de vie en français

Parmi ces idées, le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Justin Johnson, insiste sur la nécessité de collaborer avec la communauté anglophone pour assurer l’avenir de la dualité linguistique, mais aussi de lutter contre l’insécurité linguistique qui touche les jeunes Canadiens francophones.

« On doit relever les défis en parlant d’immigration, de consolidation de nos organismes et d’insécurité linguistique. Il y a des jeunes qui décident consciemment de poursuivre leurs études post-secondaires en anglais par crainte que leur français ne soit pas assez bon et des parents et grands-parents qui ne transmettent par leur langue et culture française parce qu’ils ne se sentent pas confortables de le faire. C’est un problème sociétal qui menace la dualité linguistique. »

Et pour M. Johnson, les organismes francophones ont un rôle primordial à jouer.

« Ce sont ces organismes qui aident les jeunes à comprendre qui ils sont et qui les encouragent à s’engager. On sent qu’on fait partie d’une famille. On manque actuellement d’encadrement pour les jeunes francophones, d’espaces et de milieux où ils peuvent vivre en français. Présentement, les occasions de le faire ne sont ni à la hauteur, ni égales aux occasions offertes à la majorité anglophone et certains jeunes francophones préfèrent s’assimiler et perdent leur affinité à leur langue et à leur culture. »

Un constat inquiétant que partage M. LeBlanc.

« Ce qu’on ne réalise pas, c’est que si nos communautés francophones n’ont plus de vie réelle, ne sont pas en santé partout à travers le pays, la Loi sur les langues officielles, la dualité linguistique et tout ce qu’on peut avoir comme législation n’ont plus aucun sens, car vivre en français deviendra trop difficile. »

Une idée pour M. Trudeau

Selon le directeur du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon Fraser, le rôle incombe au gouvernement d’amorcer un virage important sur cette question.

« Au niveau des hauts fonctionnaires et du Bureau du premier ministre, il faut rehausser le statut des langues officielles. Après dix ans d’inertie sous les conservateurs, je m’attendais à beaucoup et j’attends encore. »


« Cela prend des investissements financiers, mais pas seulement. Je pense que cela prendrait un conseiller spécial aux langues officielles auprès du premier ministre, un peu comme Randy Boissonnaut pour les affaires LGBTQ2. Cela nous aiderait beaucoup! » – Gino LeBlanc


Mme Saikaley juge que le CLO a lui aussi un rôle à jouer dans ce dossier.

« Le commissariat a un rôle de catalyseur pour dire où sont les enjeux et pour identifier les priorités futures. On doit notamment veiller à ce que le français ne perde pas son poids démographique et continue d’avoir une place importante au Canada, notamment grâce à l’immigration. Et pour cela, on doit s’assurer que ces nouveaux arrivants sachent qu’il y a des communautés francophones partout au pays, et qu’ils puissent être accueillis et supportés et qu’ils puissent s’éduquer et travailler en français. »