PanAm : le diable est dans les détails

Le ministre Michael Coteau, responsable des PanAm, flanqué à gauche de son collègue Steven Del Duca, aux Transports, et à droite du commissaire adjoint de la Police provinciale, Brad Blair.

TORONTO – Des dépassements de coûts. Un plan de transport pavé de « vœux pieux ». Et une inquiétude persistante par rapport au bilinguisme. À un peu plus de trois mois d’accueillir les prochains Jeux panaméricains et parapanaméricains à Toronto, il semble plus que jamais que le diable soit dans les détails.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

« Ce sera un événement extraordinaire », a voulu rassurer le ministre Michael Coteau, responsable de l’organisation des PanAm, lors d’un briefing technique à Toronto, le mardi 24 mars.

M. Coteau a insisté sur le legs des Jeux dans la grande région métropolitaine, où seront réparties les compétitions régulières du 10 au 26 juillet et les compétitions para du 7 au 15 août. Le centre-ville de Toronto pourra, entre autres, utiliser les résidences des athlètes pour du logement abordable après l’événement. Et la banlieue de Markham pourra jouir d’un centre aquatique flambant neuf.

Le legs risque toutefois de coûter cher.

Queen’s Park a déjà dû allonger 74 millions $ pour couvrir des dépassements de coûts de l’organisation, l’été dernier. Les coûts prévus de la sécurité sur sites de compétition a aussi atteint les 240 millions $, soit le double de l’estimé original.

La province devra ultimement couvrir 35% des coûts des Jeux, qui sont estimés à 1,4 milliard $. Des projets d’infrastructure et de transport liés à l’événement, comme le train UP Express de l’aéroport international Pearson à la gare Union, pourraient ajouter un autre milliard de dollars à la facture.

Et avec 350 000 billets vendus sur une possibilité de 1,5 million, à un peu plus de trois mois des cérémonies d’ouverture de Toronto 2015, le manque à gagner pourrait être encore plus grand. Jusqu’à 34 millions $, estimait la firme comptable PricewaterhouseCoopers déjà en 2009.

Le progressiste-conservateur Todd Smith, de la région de Picton, a dit craindre pour sa part que la province écope des coûts des billets invendus. « Les Ontariens seront-ils forcés de payer la facture », a-t-il tonné durant la période de questions à l’Assemblée législative, le 23 mars.

Rappelons, par ailleurs, que les PanAm se sont souvent retrouvés sur la sellette depuis 2012 à cause des dépenses et du traitement de leur comité organisateur, notamment quelques hauts gradés ayant touché des primes allant jusqu’à 100% de leurs salaires, déjà chiffrés dans les centaines de milliers de dollars.

« Un effort » pour les transports

Le plan de transport des Jeux panaméricains et parapanaméricains de Toronto n’est pas, lui non plus, sans soulever quelques inquiétudes.

Le comité organisateur de l’événement sportif où sont attendus jusqu’à 200 000 visiteurs de l’extérieur de la grande région métropolitaine mise sur une réduction de 20% de la circulation routière pendant les compétitions pour éviter le chaos sur les grandes artères comme les autoroutes 401, Gardiner et QEW.

« Nous avons tiré des leçons d’autres événements qui ont eu du succès avec la gestion de leurs transports, comme les Jeux olympiques de Londres et de Vancouver. Et nous avons aussi tiré des leçons d’événements qui ont connu moins de succès, comme les Jeux olympiques d’Atlanta en 1996 », a fait savoir Steven Del Duca, ministre des Transports.

M. Del Duca a demandé aux automobilistes de la région de Toronto « un effort » pour réduire la congestion routière pendant les PanAm, soit par l’utilisation des transports en commun, le covoiturage ou le télétravail. Son ministère prévoit aussi modifier les règles des voies réservées au covoiturage sur les autoroutes métropolitaines pour la durée des compétitions, faisant passer le nombre minimal d’occupants de deux à trois, notamment.

L’organisation des PanAm s’appuiera sur un plan de communication « robuste » en matière de transports, a indiqué M. Del Duca, faisant référence entre autres à une application pour téléphones intelligents dont la traduction française n’a toutefois pu être confirmée par #ONfr lors du briefing technique du 24 mars.

« C’est un vœu pieux », a réagi le député progressiste-conservateur Michael Harris, en marge du briefing technique. « Si le plan est de demander à une personne sur cinq dans la région de Toronto de rester à la maison pendant les Jeux ou de vérifier une appli avant de partir de la maison, ça ne fonctionnera pas », a-t-il prédit.

Langues officielles

Du côté des langues officielles, l’objectif du comité organisateur des PanAm de Toronto reste avant tout d’éviter le fiasco de la programmation francophone aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010. « On nous assure que de ce côté la programmation francophone sera respectée », explique à cet égard Louise Gauvreau, gestionnaire principale aux Langues officielles pour l’événement.

Le comité organisateur des Jeux olympiques de Vancouver avait reçu de vives critiques par rapport à la faible place accordée au français durant la cérémonie d’ouverture des compétitions. La chanteuse québécoise Marie-Mai avait finalement « sauvé l’honneur » en montant sur scène pour l’événement de clôture.

Plus globalement, les deux langues officielles des PanAm, à savoir l’espagnol et l’anglais, devraient aller de pair avec le français. « Cela se traduira par un affichage trilingue sur les sites, des annonces dans les trois langues pour les cérémonies et la remise des médailles », a précisé Mme Gauvreau à #ONfr.

Et d’ajouter : « Il y aura un gros travail à effectuer sur Internet pour les traductions ».

Les francophones de l’Ontario ont d’ailleurs mis en place un comité observateur dont la mission vise à faire respecter « la dualité linguistique » pendant l’événement. « Nous avons exprimé nos préoccupations sur la signalisation du site et une programmation artistique francophone lors des cérémonies. Nous avons été rassurés à ce sujet », a souligné l’un de ses membres, Gilles Marchildon, président de l’ACFO-Toronto.

La cérémonie d’ouverture sera animée par le Cirque du Soleil. L’agence canado-américaine B5C Productions sera responsable de la cérémonie de clôture.

L’Ontario a, par ailleurs, octroyé 100 000 $ à la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures afin d’intégrer le talent, les traditions et le patrimoine franco-ontariens aux Jeux panaméricains et parapanaméricains à Toronto.