Ottawa est-elle bientôt officiellement bilingue?

Quelques militants présents lors de la Journée de mobilisation pour la désignation bilingue d'Ottawa le mercredi 31 mai 2017. Crédit image: Sébastien Pierroz

OTTAWA – Les militants francophones s’étaient levés, mercredi 31 mai, pour manifester en faveur de la désignation officiellement bilingue d’Ottawa. Ils se sont couchés avec l’idée que le rêve est maintenant proche. Le projet de loi déposé par Nathalie Des Rosiers en milieu de journée a changé la donne. De là à assurer la validation du bilinguisme officiel?

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La formule « pas en avant » était sur toutes les lèvres, lors du ralliement citoyen organisé mercredi en soirée à l’École secondaire publique De La Salle. Mais l’optimisme général cachait aussi quelques nuances sur le terme « officialisation ». Notamment sur la notion d’égalité des deux langues.

« Si le projet de loi de Nathalie Des Rosiers est adopté, je pense qu’on se rapproche énormément de l’objectif d’avoir un enchâssement du bilinguisme officiel à Ottawa (…) C’est une garantie juridique », a soutenu l’avocat, François Baril, en entrevue pour #ONfr, au cours de l’événement.

Membre du groupe #OttawaBilingue, l’avocat est assez satisfait de la manière dont est mis en avant le concept d’égalité dans le projet de loi. « C’est une question de degré. Dans l’approche que nous avions mis de l’avant, il y avait une reconnaissance explicite de l’égalité du français dans le texte juridique. Dans le texte de Mme Des Rosiers, cette égalité se retrouve dans le préambule et dans les références à la Loi sur les services en français. »

Mais Dialogue Canada, l’autre groupe qui milite pour la désignation bilingue, reste quant à lui plutôt sur sa faim : « Le Projet de loi indique au paragraphe 11.1 (1) que le caractère bilingue de la Cité est reconnu. C’est tant mieux, mais l’impact aurait été encore plus fort en y ajoutant « ainsi que l’égalité des deux langues officielles du Canada, l’anglais et le français », les mots qui servent de cheval de bataille à Dialogue Canada », a fait valoir le groupe dans un communiqué de presse.

« Si le projet de loi passe, la Ville d’Ottawa sera officiellement bilingue », affirme de son côté le professeur de droit Gilles LeVasseur. « Dans le préambule (du projet de loi), on reconnait l’égalité du françcais et de l’anglais. »

Pour François Larocque, doyen par intérim à la Faculte de droit de l’Université d’Ottawa, le projet de loi de Mme Des Rosiers garantit « un niveau d’égalité des deux langues », le tout dans le cadre de la Loi sur les services en français.

Selon lui, tout comparaison avec par exemple la Ville de Moncton, officiellement bilingue (malgré un débat sur ledit statut), n’est pas raison. Et mieux vaut replacer les choses dans le contexte de l’Ontario. « L’aménagement linguistique est différent. »

La politologue Linda Cardinal, elle, n’emploie pas encore le mot officialisation. « Si le projet est adopté, ça veut dire que le bilinguisme officiel de la Ville d’Ottawa est reconnu dans la loi constituante de la Ville d’Ottawa, c’est un grand pas, mais il faudra bien lire le projet de loi, bien l’étudier, bien l’évaluer. »

Parmi les plus sceptiques, Michel Doucet, avocat spécialisé en droit linguistique, estime que la loi présentée par Nathalie Des Rosiers est d’abord et avant tout de nature symbolique. « Lorsqu’on regarde la mise en oeuvre, on s’en remet aux règlements qui sont adoptés par la Ville d’Ottawa. Quand le maire Watson dit que ça ne changera rien et ça maintient le statu quo, il a raison », indique le juriste.

« Le symbole est tout de même fort puisque la reconnaissance du statut bilingue ce n’était pas dans une loi, mais au niveau de la mise en oeuvre et ce que ça va changer au quotidien, je ne pense pas qu’il va y avoir un grand changement », ajoute-t-il.

Les francophones ont célébré l’annonce

Le ralliement avait pourtant des airs de célébration et de quasi victoire. Nathalie Des Rosiers, arrivée en cours d’événement, a d’ailleurs été ovationnée par le pubic.

D’un naturel pondéré, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, a lui monté la voix comme jamais. « Le bilinguisme officiel, ensemble, nous l’aurons », a-t-il scandé devant les quelque 200 personnes présentes à l’autidorium de l’école De La Salle.

Des réjouissances légitimes? Si le projet de loi de Mme Des Rosiers est approuvé, « la Ville n’aurait pas d’autre étape à faire », précise effectivement M. Baril.

Jim Watson, opposé depuis des années au bilinguisme officiel, peut-il refuser d’obéir à la province? « La décision étant provinciale, il ne peut pas juridiquement s’opposer », explique M. LeVasseur. « Tout le monde est heureux de la situation actuellement, il y a un arangement informel qui s’est fait entre les différentes parties, on arrive à un consensus, tout le monde veut avancer dans le dossier car il est prioritaire pour tout le monde. »

 

Article écrit avec la collaboration de Jean-François Morissette