NPD et Francophonie : des hauts et des bas

La chef du NPD de l'Ontario, Andrea Horwath.

[ANALYSE]

Les néo-démocrates sont de retour au pouvoir en Colombie-Britannique. L’assermentation du nouveau premier ministre, John Horgan, sonne comme une nouvelle percée du parti, six ans après la vague orange de Jack Layton, et deux ans après l’inattendue prise de pouvoir en Alberta.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Petite révolution dans la province de l’or noir : le Nouveau Parti démocratique (NPD) a offert aux francophones (le 3e foyer hors Québec, derrière l’Ontario et le Nouveau-Brunswick) une politique sur les services en français.

Du côté de l’Ontario, le rapport des néo-démocrates avec les francophones intrigue. D’un côté, le parti ne manque pas d’arguments. En témoigne une proportion plus élevée de députés francophones et francophiles que les deux autres formations à Queen’s Park.

Parmi eux, la présence de France Gélinas, l’une des élus les plus au fait des dossiers francophones. La députée de Nickel Belt ne ménage jamais ses énergies ni ses critiques contre le gouvernement libéral.

De l’autre, la chef néo-démocrate Andrea Horwath, unilingue anglophone, peine à incarner l’attachement de son parti au bilinguisme. Une différence dès lors notable avec les deux autres leaders, le progressiste-conservateur, Patrick Brown, et la chef du gouvernement Kathleen Wynne, tous deux capables de s’exprimer correctement dans la langue de Molière.

Horwath silencieuse quant au débat en français

Ce n’est donc pas un hasard si les deux chefs de parti ont accepté la proposition de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) d’un débat en français pour les élections de 2018. Pendant ce temps, Mme Horwath reste silencieuse. Son très faible niveau de français ne lui permettra probablement pas de croiser le fer. Dans les coulisses du NPD, la proposition de l’AFO a fait grincer des dents. Sentiment de piège.

Faut-il en vouloir à Mme Horwath pour son unilinguisme? En réalité, l’erreur de la leader néo-démocrate n’est pour certains pas seulement ses carences en français. En huit ans à la tête de son parti, Mme Horwath aurait donné trop de latitude à ses députés francophones sur les épineux dossiers linguistiques, s’engageant finalement peu, ne se montrant pas assez dans l’Est de l’Ontario (plus de 200 000 Franco-Ontariens), et oubliant parfois de célébrer les francophones sur les médias sociaux.

Si les gains du NPD restent élevés dans le Nord, ailleurs, les hésitations de milliers de francophones pour un bulletin néo-démocrate ne viennent pas toutes de la personnalité de Mme Horwath. Bien au contraire. Dans la région d’Ottawa, la solidité du lien entre les francophones et les libéraux reste un sérieux frein.

Des bilans mitigés en dehors de l’Ontario

Et si l’on regarde en dehors des frontières de l’Ontario, les bilans des néo-démocrates au pouvoir sont très mitigés. À la tête du Manitoba de 1999 à 2016, le parti a trop tardé à présenter un projet de loi pour les services en français… adopté par le gouvernement progressiste-conservateur. En Nouvelle-Écosse, la suppression des « circonscriptions protégées » acadiennes par le gouvernement néo-démocrate en 2012 est aussi très mal passée.

Les néo-démocrates et les francophones, un mariage pas si facile? L’exemple récent et positif de la gouvernance en Alberta vient nuancer cette idée. Signe aussi que tout est bien souvent question de volonté politique, peu importe la couleur du parti.

En incarnant plus directement et franchement cette volonté, Mme Horwath — qui a bel et bien suivi des cours de français à Queen’s Park — pourrait marquer des points précieux pour son parti en vue des élections.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 24 juillet.