Les projecteurs de retour sur Kathleen Wynne

La fin de la campagne électorale fédérale marque le retour des projecteurs sur la chef libérale Kathleen Wynne. (Photo: Parti libéral de l’Ontario)
La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Archives

[CHRONIQUE]
Les élections canadiennes terminées, les médias ontariens tournent à nouveau leur regard vers l’actualité provinciale et la première ministre, Kathleen Wynne. Après quelque 10 ans d’antagonismes avec les conservateurs, cette dernière peut se réjouir d’avoir gagné son pari. À Ottawa, elle pourra compter sur un allié de la même famille politique et s’appuyer sur la fin des tensions entre Queen’s Park et l’ensemble des ministres ontariens du gouvernement Harper pour faire avancer ses projets.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

La voie est désormais libre pour que Mme Wynne puisse mener à bien les projets qu’elle souhaite entreprendre depuis son élection. Mais il est fort probable que la victoire de Justin Trudeau signifie aussi la fin de l’une de ses principales promesses de campagne.

Les libéraux fédéraux ont en effet promis d’augmenter les contributions au Régime de pension de l’Ontario, ce qui donne toutes les excuses nécessaires à Mme Wynne pour reculer quant au projet d’un régime de retraite ontarien. Cela pourra lui permettre de satisfaire les petites entreprises et les différents groupes qui étaient en croisade contre l’augmentation des contributions aux programmes provinciaux. Mais c’est aussi une importante perte pour la province qui pouvait faire comme le Québec et créer sa propre Caisse de dépôt et de placements, un joyau du gouvernement de la Belle Province aujourd’hui.

La campagne électorale achevée, les discussions autour du projet de privatisation partielle d’Hydro One font de nouveau les manchettes. Cette vente concerne la transmission de l’électricité, une machine incohérente qu’a créée l’ancien gouvernement Mike Harris, coupant Hydro Ontario en 5 entités distinctes. La volonté de se départir d’un joyau ontarien vieux de 110 ans est d’autant plus controversée qu’un simple calcul permet de comprendre que l’impact socio-économique de cette décision risque d’entraîner des pertes de centaines de milliards de dollars pour les Ontariens. Son homologue québécois, Hydro-Québec, rapporte des milliards chaque année dans les coffres de la province.

En vendant 60% de l’entreprise, l’Ontario obtiendra une importante somme immédiate, mais sacrifiera aussi, dans le même temps, 60% des profits de la société de la couronne pour des années, des décennies, et même des siècles.

 

Comme la 407

Hydro One rapporte près de 900 millions $ par année au gouvernement. Sa vente se chiffre à 9 milliards $, 4 à 5 milliards $ après avoir payé la dette de l’entité. Bref, la vente ne rapportera finalement que l’équivalent de 11 années de profits. Et après 100 ans, cette décision n’aura finalement eu aucun avantage pour les Ontariens, un peu comme la location pendant 99 ans de la 407 à une entreprise étrangère.

Cette vente servira à remplir la promesse de Mme Wynne d’investissements dans les infrastructures de la province. Or, le nouveau gouvernement fédéral promet lui aussi d’investir d’importantes sommes pour améliorer ces mêmes infrastructures. Ne vaudrait-il donc pas mieux pour le gouvernement ontarien mettre le projet de vente sur la glace en attendant de connaître tous les détails du nouveau budget fédéral? Il sera alors toujours plus facile de privatiser davantage la société de la couronne que de racheter les parts de marché qui ont été vendues…

D’ici les Fêtes, le gouvernement Wynne va devoir répondre à d’incessantes questions sur cet enjeu. Il faut le rappeler, le gouvernement québécois avait fait une élection référendaire en 1962 sur le sujet de la nationalisation de l’hydro-électricité, au Québec. Les libéraux ontariens n’ont même pas glissé un mot sur le sujet avant d’obtenir une majorité. Les deux partis d’opposition à Queen’s Park le répètent : les libéraux n’ont pas eu le mandat de vendre cette société de la couronne.

Mais malheureusement pour eux, les Ontariens n’auront pas eu la chance d’exprimer leur opinion sur ce projet controversé.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

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