Les néo-démocrates cherchent leur voix

La chef du NPD de l'Ontario, Andrea Horwath.

[ANALYSE]

TORONTO – Kathleen Wynne toujours à l’agonie dans les sondages, Patrick Brown qui ne plait pas à tout le monde, y’aurait-il alors une place pour les néo-démocrates? À quatorze mois des élections générales, le parti d’Andrea Horwath intrigue toujours.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les troupes seront en tout cas réunies cette fin de semaine à Toronto pour leur congrès. La première depuis novembre 2014. Cet événement avait d’ailleurs marqué un triomphe pour Andrea Horwath, réélue à la tête de son parti par un vote de confiance de 77 %.

Quelques semaines auparavant, la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario n’avait pas gagné un siège supplémentaire lors des élections. Sa campagne morne, et résolument centriste, lui avait même attiré les foudres de leaders du parti dans une lettre-ouverte.

Le contexte de ce congrès est cette fois-ci très différent. Depuis novembre 2014, de l’eau a coulé sous les ponts. La députée de Hamilton-Centre a pris soin de se rapprocher de son électorat de gauche. Derniers épisodes en date : son opposition au péage de l’autoroute Queen Elizabeth Way, à la vente d’Hydro One, et sa volonté d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure.

Sur l’échiquier politique, le gouvernement libéral plus proche de ses sous en vue d’équilibrer le budget, et donc plus au centre, parait ouvrir un boulevard à Mme Horwath. Mais quelque chose coince manifestement : le parti manque encore d’un projet phare et d’une voix politique forte.

De ce « conclave » au Palais des congrès du Toronto métropolitain, les militants et élus devront surtout éviter de n’enorgueillir trop vite des difficultés de Kathleen Wynne, et aussi des sondages publiés. L’un d’entre-eux désigne depuis quelques mois Mme Horwath comme la chef de parti la plus populaire en Ontario.

Il faut interpréter ce sondage avec prudence. C’est même une fausse bonne nouvelle pour Mme Horwath qui ne bénéficie pas du charisme d’un Jack Layton. En vérité, la chef du NPD, à la tête de son parti depuis 2009, est devenue un visage familier pour les Ontariens. À la différence de Patrick Brown, jeune transfuge du fédéral en 2015, Mme Horwath rassure, et attire moins de méfiance.

Mais les mêmes sondages attestent que les Ontariens, s’ils doivent chasser les libéraux, préfèrent tout de même confier les clefs de Queen’s Park aux progressistes-conservateurs plutôt qu’au parti orange. Les raisons sont nombreuses, voire complexes.

D’une, le parti de Patrick Brown, héritier de l’ancienne big blue machine, reste bien huilé et présent dans un grand nombre de coins de la province. Un atout que ne possèdent pas les néo-démocrates où les gains sont beaucoup plus épars. Sans compter que les militants du Nord, de tradition ouvrière, diffèrent de ceux de la région de Toronto, beaucoup issus des minorités visibles.

La mémoire des électeurs joue aussi contre le NPD. Vus avec la lentille franco-ontarienne, les souvenirs du premier ministre Mike Harris peuvent représenter une période difficile. Mais beaucoup d’électeurs ontariens se rappellent des cinq années des néo-démocrates à la tête de la province (1990-1995) comme celles d’un ralentissement économique.

Outre ces défis structurels, Mme Horwath devrait profiter de ces trois jours de congrès pour jauger la motivation de ses troupes. Le député Jagmeet Singh, étoile montante du parti, est toujours pressenti pour faire le saut au fédéral. Rien n’indique que les élus francophones Gilles Bisson et France Gélinas repartiront au combat pour les élections de 2018.

Ne pas perdre de valeureux soldats reste un défi immense pour Mme Horwath. Ce ne sont pas seulement les élections qui sont aussi en jeu, mais aussi l’avenir d’un parti, possiblement très amoindri.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 22 avril.