Les minorités francophones du Canada veulent compter

La campagne #nouscomptons connaît un grand succès. (Photo: Benjamin Vachet)
La campagne #nouscomptons connaît un grand succès.

OTTAWA – L’absence de considération pour les communautés francophones en situation minoritaire lors l’actuelle campagne électorale a débouché sur une vague de réactions sur les médias sociaux, regroupée derrière le mot-clic #nouscomptons. Le début d’un mouvement durable?

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

La campagne électorale a beau être la plus longue depuis 1926, les enjeux des francophones hors Québec comme des langues officielles demeurent encore sous silence. Pourtant la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) n’a pas manqué d’informer les partis politiques de plusieurs de ses priorités dont le financement des organismes, la mise en place de mécanismes pour renforcer de l’immigration francophone hors Québec ou encore le respect de la Loi sur les langues officielles.

Si les partis n’ont pas semblé réceptifs à ce message, ce n’est pas le cas des internautes qui sont nombreux à avoir relayé le mot clic de l’organisme porte-parole des francophones hors Québec, #nouscomptons. Selon les calculs de l’outil analytique Tweetchup, sur la période du 1er au 6 octobre 2015, le mot-clic #nouscomptons a été utilisé 1600 fois par 421 comptes Twitter différents, permettant de rejoindre 1 365 078 personnes.

« Il semble que ce qu’a dit la FCFA colle avec ce que les gens disent sur les médias sociaux. On a été très heureux de constater ce mouvement. Disons que dans la formule #nouscomptons, il y a quelque chose qui résonne chez les gens. Cela prouve que nous (la FCFA) n’avons pas un discours détaché et désincarné. Les gens étaient réellement fâchés », explique la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier.

Professeure à l’École d’études politiques et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal explique le phénomène : « Lors de la dernière campagne, les francophones hors Québec avaient déjà été ignorés et donc, je pense que tout le monde s’attendait à ce qu’il y ait au moins une question portant sur l’enjeu des francophones hors Québec lors du débat cette fois-ci. Comme ça n’a pas été le cas, cela a entraîné beaucoup d’indignation. À chaque fois, on pense que la leçon a été tirée mais apparemment, ce n’est pas le cas et ça frustre les gens ».

Contexte électoral ou véritable mouvement?

Mme Cardinal reconnaît toutefois que le contexte d’une élection favorise souvent des réactions de la part des électeurs. Toutefois, elle n’exclut pas la possibilité d’un mouvement de contestation durable.

« Des mouvements comme celui-là doivent venir des citoyens car les organismes sont plus limités, étant financés par les gouvernements. On voit beaucoup de jeunes qui participent à cette campagne et c’est encourageant. Les médias sociaux offrent de nombreuses opportunités et toutes les initiatives visant à occuper l’espace sont pertinentes. Si c’est véritablement un mouvement citoyen, ça peut avoir une suite », pense-t-elle.

Satisfaite de l’impact de sa campagne, la FCFA n’a pas encore défini de stratégie pour prolonger ce mouvement d’indignation.

« Ce que les gens pensent restera après le 19 octobre. Les francophones se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas seuls. Jusqu’alors, c’était très difficile de les rassembler physiquement dans un endroit du fait de la grandeur du pays. On a eu l’impression que tout à coup, ils étaient tous réunis dans un salon. Je ne sais pas si ce mouvement pourra continuer après l’élection, et ce que nous allons faire pour le prolonger. Nous analyserons dans un premier temps la carte des résultats. Maintenant, notre désir le plus cher, c’est que les francophones aillent voter le 19 octobre », indique Mme Lanthier.

Aussi minoritaire soit-elle, la voix des communautés francophones hors Québec pourrait avoir son importance dans plusieurs circonscriptions, croit Mme Cardinal.

« Dans une élection aussi serrée, chaque vote compte et chaque petit commentaire ou engagement peut faire une différence pour convaincre l’électeur de voter pour un parti plus que pour un autre. C’est d’autant plus vrai que les francophones hors Québec ne sont pas attachés à un seul parti. Les chefs ont donc un intérêt stratégique à s’adresser aux francophones hors Québec, mais ils ont aussi un devoir moral de parler des langues officielles alors qu’on fêtera, en 2017, le 150e anniversaire du Canada. Ils doivent faire preuve de leadership en montrant qu’ils sont capables d’intégrer la question des langues officielles qui est une caractéristique fondamentale de notre pays. En l’esquivant, ils ne se comportent pas comme des chefs d’État ».