Les langues officielles en retrait

Le parlement du Canada. Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – Comme lors de la récente campagne électorale, la rentrée parlementaire a laissé peu de place aux questions de langues officielles à la Chambre des communes. Derrière l’économie, le projet d’oléoduc Énergie Est ou encore, la lutte contre le terrorisme, le dossier reste en arrière-plan.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La plateforme du Parti libéral du Canada (PLC) contenaient plusieurs promesses en matière de langues officielles, telles que l’élaboration d’un nouveau plan pour les langues officielles censé remplacer la Feuille de route, le plein respect de la Loi sur les langues officielles (LLO) au sein de tous les services gouvernementaux, la mise sur pied d’un service en ligne gratuit d’apprentissage et de maintien du français et de l’anglais comme langue seconde, le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, des investissements au sein de la Société CBC/Radio-Canada ou encore, le retour du formulaire long du recensement.

Si ce dernier a été confirmé, pour le reste, les intentions du gouvernement libéral restent pour l’heure cantonnées au rang de promesses, même si le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, le député franco-albertain Randy Boissonnault, a indiqué que des consultations auraient lieu cet été en vue d’établir le nouveau plan libéral pour les langues officielles, attendu pour 2018.

Plusieurs problèmes soulevés récemment par Le Droit et Radio-Canada, concernant le Bureau de la traduction et le coût des tests en français pour les immigrants, ont poussé le porte-parole aux langues officielles pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, à demander au gouvernement libéral de révéler son plan pour les langues officielles sans tarder.

« Le gouvernement libéral doit faire plus et faire mieux que le gouvernement précédent, ce qui ne devrait pas être difficile », a-t-il exhorté lors de la période des questions, vendredi 29 janvier.

En entrevue à #ONfr, M. Choquette insiste : « Le gouvernement conservateur a été très décevant en matière de langues officielles, il a négligé cet aspect lorsqu’il a fait des coupures et cela a eu des conséquences concrètes sur les institutions fédérales qui devraient pourtant être un modèle, comme a pu le constater le commissaire aux langues officielles récemment. Le gouvernement doit analyser la situation et faire quelque chose rapidement! »

Le député de Drummond a déposé une plainte auprès du commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, dans le dossier du coût des tests en français.

 

Un seul projet concret

Depuis les élections, M. Choquette est pour l’instant le seul à avoir mis concrètement les langues officielles sur le radar en déposant un projet de loi privé sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada. Les discussions à la Chambre des communes ne devraient toutefois avoir lieu qu’en fin d’année 2016, voir au début de l’année 2017.

« C’est ma priorité », lance M. Choquette à #ONfr. « Mon travail va être de récolter des appuis au sein des députés de la majorité pour m’assurer que le projet soit voté. Je ne vois pas comment il ne pourrait aboutir. »

Quand le PLC était encore dans l’opposition, Justin Trudeau, comme avant lui Michael Ignatieff, avaient appuyé l’initiative portée par Yvon Godin.

Parmi ses autres priorités, le député de Drummond souhaite questionner le gouvernement sur le lègue envisagé en matière de langues officielles à l’occasion du 150e anniversaire de la confédération en 2017.

« Il y a là une occasion idéale de rappeler l’importance des langues officielles et leur influence sur l’identité canadienne. Faire d’Ottawa la capitale bilingue d’un pays bilingue pourrait être une excellente idée, surtout lorsqu’on entend certains maires mettre encore au même rang le français que d’autres langues comme l’espagnol, le mandarin ou autres. Le multiculturalisme est important au Canada, certes, mais nos deux langues officielles ne le sont pas moins et il faut les mettre en évidence. Le gouvernement fédéral doit montrer l’exemple. »

 

Une aubaine pour l’opposition

Pour l’aider dans son nouveau rôle, M. Choquette a déjà rencontré la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada pour connaître les priorités des communautés francophones en situation minoritaire.

Car plusieurs demandes ont déjà été formulées auprès du gouvernement. L’immigration francophone hors Québec, le mode de financement des organismes ou encore, le plein respect de la Loi sur les langues officielles, sont parmi les priorités maintes fois ressassées.

Du côté du ministère du Patrimoine canadien toutefois, aucune réponse concrète n’a filtré sur un quelconque agenda ou priorités, malgré nos demandes répétées d’entrevue avec la ministre, Mélanie Joly.

En cette absence, les partis de l’opposition, comme le NPD, voient une opportunité à saisir. Le Bloc Québécois et son porte-parole aux langues officielles, Mario Beaulieu, ne compte pas laisser passer l’aubaine, prônant un rapprochement avec les francophones de partout au pays.

« Je pense que c’est dans notre intérêt à tous car nous avons le même objectif : assurer l’avenir du français. Au Québec, nous avons longtemps eu tendance à oublier les francophones en milieu minoritaire, pourtant leur combativité doit nous inspirer. Je pense que, ces dernières années, les ponts ont été rétablis. Sans vouloir parler pour eux, je veux les écouter pour mieux appuyer leur cause en chambre. Si on peut s’attendre à mieux en matière de langues officielles de la part de Justin Trudeau par rapport à Stephen Harper, ça risque d’être encore insuffisant pour contrer l’assimilation et l’affaiblissement du français. »

Du côté du Parti conservateur du Canada, la mission a été confiée au député québécois de Montmagny–l’Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup, Bernard Généreux. Membre du comité permanent des langues officielles, de 2009 à 2011, l’élu, défait aux élections suivantes, puis réélu en octobre dernier, demande du temps.

« Je dois me familiariser avec les dossiers et j’ai prévu de faire des rencontres avec la FCFA, notamment, mais aussi avec le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser. »

Souvent disputés sur la question des langues officielles lorsqu’ils étaient majoritaires, les conservateurs auront à l’œil le gouvernement libéral.

« Le Parti libéral a fait beaucoup de promesses pendant la campagne et si je suis prêt à appuyer les propositions intéressantes, peu importe d’où elles viennent, je veux aussi m’assurer qu’il respectera ses engagements. Nous avons été critiqués sur la question des langues officielles pendant notre dernier mandat, mais je pense qu’il y a eu de nombreuses avancées, notamment avec la Feuille de route pour les langues officielles qui a eu des retombées très positives. Les critiques sont normales, car les gens en veulent plus et ils ont raison d’en demander plus, mais je pense que la situation des langues officielles est plutôt bonne au Canada. »