Les femmes francophones doublement négligées dans la campagne

Pour l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), les femmes francophones sont victimes d’un double oubli dans le débat. (Photo: Thinkstock)
Pour l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, les femmes francophones sont victimes d’un double oubli. Thinkstock

 

OTTAWA – Plusieurs enjeux n’ont pas réussi à se frayer une place de premier choix dans la campagne électorale. L’environnement, la santé, les Premières nations ou les questions liées à la condition des femmes sont restés en retrait. Pour l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), les femmes francophones sont victimes d’un double oubli dans le débat.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Réunies pour leur assemblée générale annuelle, les membres de l’AFFC n’en ont pas oublié pour autant la campagne électorale.

« Nous voulons encourager les femmes à voter et appuyons les priorités de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), tout en poussant nos propres priorités. Nous participons à la campagne Place au débat qui regroupe plus de 100 organismes de défense des droits des femmes au Canada pour sensibiliser la population et les partis politiques sur les droits des femmes », explique la directrice générale de l’AFFC, Véronique Mallet.

L’équité salariale, l’égalité des chances dans le milieu professionnel, la violence faite aux femmes auraient, selon l’AFFC, mérité davantage de considération. Récemment, le Nouveau Parti démocratique a annoncé un plan d’action pour lutter contre la violence faite aux femmes, avec notamment le rétablissement du Programme d’amélioration des maisons d’hébergement. Le parti de Justin Trudeau a promis quant à lui un plus grand soutien aux victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle, et veillera à ce que davantage d’agresseurs soient traduits en justice. Le Parti conservateur, lui, s’est prononcé pour de nouvelles dispositions du Code criminel interdisant aux individus reconnus coupables de violence conjugale de posséder une arme à feu.

Si elle reconnaît que les questions relatives aux femmes se sont faites plutôt discrètes depuis le début de la campagne, la directrice du Centre d’études en gouvernance de l’Université d’Ottawa, Caroline Andrew, précise pourtant que ces questions concernent toute la société.

« On oublie trop souvent que les enjeux dits « de femmes » sont en fait des enjeux de société et de la vie quotidienne. Ces dernières années, on a constaté un phénomène de sortie des femmes du marché du travail car, comme elles gagnent souvent moins que leurs conjoints et que les garderies coûtent chères, il devient préférable pour elles de rester à la maison. Les chefs des partis parlent beaucoup d’économie globale, mais ils oublient que ce qui intéresse les gens, ce sont les enjeux de tous les jours comme celui-là », assure-t-elle.

De ce point de vue, les partis politiques ont avancé plusieurs propositions susceptibles d’intéresser l’électorat, pense Mme Andrew, comme notamment la création de places en garderie à moindre coût, la mise en place de prestations pour garde d’enfants ou encore des investissements dans le transport collectif ou les logements abordables.

« Toutes ces questions sont intimement reliées aux enjeux « de femmes » car cela peut leur permettre ou non d’accéder au marché du travail », indique Mme Andrew.

 

Encourager les femmes à se présenter

Cet oubli n’est pas nouveau dans une campagne électorale, souligne Mme Andrew. Il pourrait s’expliquer notamment par la présence encore trop rare des femmes en politique. À la Chambre des communes, on comptait 80 femmes sur 304 députés à l’issue de la 41e législature. Lors de la campagne actuelle, le Nouveau Parti démocratique s’est félicité d’avoir 43% de candidates dans son équipe, soit 146 candidates. Le Parti conservateur compte quant à lui 66 candidates, soit 20% de ses effectifs, et le Parti libéral 103 candidates, soit 31% de ses effectifs.

« La situation des femmes au Canada a progressé, c’est certain, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous voulons encourager les femmes à s’impliquer en politique et dans les postes clés pour pouvoir faire avancer les choses », lance Mme Mallet.

Pour y parvenir, l’AFFC, qui fêtait en 2014 le centième anniversaire du premier mouvement social des femmes francophones au Canada, compte poursuivre son travail pour favoriser l’épanouissement et le développement des femmes francophones. La nouvelle présidente de l’AFFC, Blandine Ngo Tona, et les membres du CA, travailleront sur un processus de réflexion stratégique sur l’avenir de l’AFFC.