Les aînés francophones plus pauvres que les anglophones

La population francophone âgée serait particulièrement vulnérable à la précarité, selon un groupe de chercheurs.

TORONTO – Les niveaux de revenu et d’éducation sont deux déterminants connus de la pauvreté. L’appartenance à la minorité francophone au Canada et la langue ont aussi une influence sur le niveau de vie d’une personne, révèlent maintenant les travaux de six chercheurs.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Les aînés francophones en situation minoritaire sont plus susceptibles d’être pauvres que leurs homologues anglophones, résume Louise Bouchard de l’Université d’Ottawa, qui a mené les travaux d’un groupe de chercheurs sur cette question.

Leur conclusion est sans équivoque : « La population francophone âgée est particulièrement vulnérable à la précarité. Près d’un homme sur trois et une femme sur deux de ce groupe se situent dans le plus faible niveau de revenu. Parmi ces derniers, un homme sur trois et une femme sur deux vivent seuls ».

Les aînés canadiens ont connu une diminution de leur qualité de vie au cours des dernières années, selon un rapport inquiétant de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Voilà qu’on confirme maintenant que les francophones en situation minoritaire sont parmi les plus précaires de ce groupe déjà éprouvé.

« L’OCDE est claire : au Canada, il y a une augmentation des inégalités. Et on constate que les minorités francophones sont encore plus vulnérables », souligne Mme Bouchard.

Comment expliquer une telle situation? Probablement par la faible scolarisation des francophones plus âgés vivant en milieu minoritaire, selon la chercheuse.

« Cette génération n’a souvent pas eu accès à l’école en français. Par exemple, chez les hommes de 65 ans et plus ayant de faibles revenus, 49% des anglophones ont moins qu’un diplôme d’études secondaires. Chez les hommes francophones en milieu minoritaire, ça monte à 72% », révèle-t-elle.

Cette génération a subi les effets de la domination et de l’assimilation anglaises plus intensément que les générations actuelles, souligne aussi l’étude. La langue, ainsi que son statut, est un facteur déterminant de l’accès aux ressources éducatives, politiques et économiques, ajoutent les chercheurs.

La précarité de ces aînés de langue française a été étudiée grâce à une étude approfondie des données de l’Enquête nationale dans les collectivités canadiennes. Jamais la chercheuse et son équipe n’avaient poussé l’analyse de ces informations socioéconomiques aussi loin.

« C’est une enquête de Statistique Canada qui est faite toutes les années et qui rejoint un grand nombre de répondants. Ces données sont représentatives de l’ensemble de la population et nous avons un accès privilégié aux micros donnés non accessibles au public », précise-t-elle.

Cette précarité nécessite d’être « prise en compte dans l’élaboration de nos politiques publiques et dans la lutte contre la pauvreté », selon la chercheuse. Il faut s’assurer rapidement que des services égaux soient offerts aux francophones et aux anglophones tant en matière de santé que de services sociaux.

 

Un défi

Pour aider ces francophones du pays, les autorités doivent tenter de leur offrir des services là où ils sont, ce qui peut s’avérer un défi.

En effet, 30% d’entre eux vivent en milieu rural. Cela rend les conditions d’accès aux services « plus difficiles pour une population, de surcroît, largement touchée par une ou plusieurs maladies chroniques et se percevant, dans une proportion de près de 40%, en mauvaise santé », selon la recherche.

Autre défi pour la communauté : les collectivités francophones hors-Québec doivent faire face à un débalancement démographique de plus en plus prononcé. Le vieillissement de la population est plus rapide dans ces communautés qu’ailleurs au pays en raison du faible taux de natalité. « Bien que les personnes âgées d’aujourd’hui constituent un groupe hétérogène au plan financier, elles forment néanmoins une population plus vulnérable à la maladie, à la pauvreté et à l’exclusion », rappellent à ce sujet les chercheurs.