Les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard entre progrès et défis

On compte environ 5 000 francophones sur l'l’Île-du-Prince-Édouard, notamment avec les Acadiens.

CHARLOTTETOWN – Cinq mille francophones et Acadiens répartis sur l’Île-du-Prince-Édouard contre plus de 500 000 Franco-Ontariens. Un écart pour le moins saisissant que la province insulaire compense avec des services en français louables pour les francophones.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Des panneaux routiers affichés dans les deux langues, un service de plus en plus bilingue dans la capitale aux « seulement » 35 000 résidents, Charlottetown. Autant dire que l’Île-du-Prince-Édouard ne ressemble plus tout à fait à une simple province anglophone.

S’ils ne représentent pas tout à fait 4% de la population locale de la province, la majorité des francophones ont finalement arraché à leurs gouvernements successifs plusieurs privilèges au cours des dernières années.

Point culminant : la nouvelle Loi sur les services en français votée en 2013 sous le gouvernement libéral de Robert Ghiz, et avec le coup de pouce du juriste Michel Bastarache, ancien juge à la Cour suprême du Canada.

Celle-ci exige effectivement la signalisation routière en français, tout en mettant un place un mécanisme de contestation par l’intermédiaire d’un agent aux plaintes. Les services du 511 et du 811 sont dorénavant bilingues eux aussi.

Il s’agit en fait d’une version beaucoup plus flexible d’une première loi votée en 2000 laquelle voulait rendre toutes les lois bilingues. Aujourd’hui, on parle plutôt de services désignés le tout après des consultations, ministère par ministère.

« La loi est basée quelque part sur le modèle ontarien puisqu’elle se centre sur des désignations », estime Pierre Foucher, professeur de droit à l’Université d’Ottawa.

« C’est une loi beaucoup plus fonctionnelle que la première », insiste pour sa part Aubrey Cormier, directeur général de la Société Saint-Thomas-d’Aquin (SSTA). « Les fonctionnaires ont maintenant des outils pour les services en français. Il s’agit d’une loi avec une approche graduelle, puisque certains autres services vont prochainement s’ajouter. »

Ce qui fait dire à M. Foucher qu’il ne faut pas être « trop enthousiaste » avec la loi de 2013. « Celle-ci est intéressante sur le papier, mais il y a des manques. »

Installés en grande majorité dans la Région Évangeline, situés dans l’ouest de l’île, les Acadiens pourraient être amenés très vite à demander d’autres services. Des cibles qui toucheraient particulièrement les secteurs de la santé, la sécurité publique ou encore l’éducation pour M. Cormier.

« Nous ne souhaitons pas seulement les services », résume le DG de la SSTA. « Il faudrait aussi encourager les personnes les utiliser. Ça, c’est un autre combat. »

À propos de l’éducation, un coup d’accélérateur a été donné au début des années 2000 avec la construction de quatre nouvelles écoles francophones. Du coup, six établissements de la sorte parsèment l’île. La Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard (CSLF) fête d’ailleurs en 2015 la 25e année de la gestion et de la promotion de la langue française.

 

Une province privilégiée?

Reste que l’Île-du-Prince-Édouard, malgré ses 5 000 francophones et Acadiens, apparait en avance en comparaison des services en français offerts dans d’autres provinces. C’est encore plus vrai par rapport à la partie ouest du Canada. « La province bénéfice beaucoup plus de l’image du bilinguisme au Canada, du fait qu’il s’agit du berceau de la Confédération (la conférence initiale visant à la création de la Confédération canadienne a eu lieu à Charlottetown en 1864) », note M. Cormier.

« L’Ouest n’a jamais accepté a contrario le bilinguisme. Il y a là-bas un peuplement plus diversifié », croît M. Foucher. « La présence des Acadiens sur l’île est quant à elle beaucoup plus historique. La communauté a su faire preuve davantage de résilience. »

L’universitaire est même d’avis que le nouveau premier ministre, Wade MacLauchlan, assermenté en février, aura à cœur les services en français. « C’est un homme très ouvert à la communauté francophone. Si les capacités financières de la province le permettent, il aidera les Acadiens. »

Quelque 17 000 résidents de l’île, soit un peu plus de 12% de la population, seraient capables de converser dans les deux langues, d’après les chiffres de la SSTA.