Projet de loi 41 : les francophones ignorés

Le salaire des élus est gelé depuis 2008. Crédit image: Jean-François Morissette

TORONTO – Le projet de loi 41 sur les services en santé a été adopté, le mercredi 7 décembre, à Queen’s Park. À peine votée, la nouvelle loi suscite déjà la colère des organismes francophones et des principaux partis d’opposition pour son manque de protection envers les services en français.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE 
jmorissette@tfo.org@JFMorissette72

Selon le gouvernement de Kathleen Wynne, la Loi 41 veut donner la priorité aux patients et aider à garantir que ces derniers soient au centre du système de santé, notamment en améliorant l’accès aux soins primaires.

Toutefois, depuis plusieurs mois, des organismes francophones en Ontario ont fait pression pour obtenir des assurances de la part du gouvernement pour que des mentions à la Loi sur les services en français (LSF) soient ajoutées dans le projet de loi, notamment lorsque les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) font affaire avec de tierces parties pour prodiguer des services de santé.

Cependant, dans la dernière version de la loi, seules deux mentions du français ont été conservées et aucune référence spécifique à la langue de Molière n’a été faite lorsque les RLISS font appel à des fournisseurs de service, malgré des demandes répétées à ce sujet.

La ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a voulu se montrer rassurante et dit comprendre les inquiétudes de la francophonie ontarienne à l’égard de ces changements dans le système de santé de la province.

« Je travaille de très près avec le ministre Hoskins pour vraiment amener cette perspective et être certain que l’on peut répondre aux besoins et aux attentes de la francophonie », a-t-elle expliqué avant l’adoption du projet de loi.

La ministre Lalonde assure vouloir être présente pour répondre aux inquiétudes des différentes communautés francophones et s’est engagée à travailler avec eux.

« Pour le gouvernement, l’accès aux services de santé en français est très important », a-t-elle voulu souligner.

L’opposition en furie

La députée du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario et porte-parole en matière d’affaires francophones, France Gélinas, croit que les francophones ont toutes les raisons d’être inquiets.

Mme Gélinas, qui siégeait sur le comité responsable d’étudier le projet de loi, a raconté à #ONfr avoir fait sept demandes d’amendements pour assurer les services en français et qu’aucun de ceux-ci n’avait été retenu.

« Les libéraux ont tous voté contre en me répondant que le système actuel fonctionnait bien ou que si on le fait pour les francophones, il faudrait le faire pour tous les autres groupes linguistiques en Ontario. Il n’aurait pas pu me répondre quelque chose de plus enrageant », s’insurge-t-elle.

Selon la députée Gélinas, le gouvernement Wynne a manqué une opportunité en or de clarifier et protéger les services de soin en français.

Même son de cloche du côté du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario (PC de l’Ontario). Le chef du parti, Patrick Brown, croit qu’il est incompréhensible que le gouvernement n’ait pas voulu « mettre le patient en priorité en n’établissant pas clairement que les tierces parties mandatées par les RLISS pour l’offre de services de santé en français soient assujetties aux dispositions de la Loi sur les services en français. »

Les communautés francophones oubliées?

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) est pour le moins étonnée que la priorité ne soit pas accordée aux patients francophones dans la Loi 41. Lors des consultations devant le comité, l’AFO avait déposé un mémoire contenant cinq recommandations, mais toutes ont été ignorées par le gouvernement.

« C’est une belle occasion que le gouvernement a manqué après s’être engagé auprès de sa communauté francophone comme il l’a fait avec l’OIF et tout récemment, sur l’annonce de la réforme de la Loi sur les services en français. Il me semble que ça aurait été une belle occasion de démontrer à la population francophone que l’on s’en va dans cette voie-là pour améliorer les services aux francophones en Ontario », a souligné le président de l’AFO, Carol Jolin.

L’AFO propose qu’un nouveau projet de loi soit déposé pour venir assurer que des services en français soient prodigués dans le système et espère que le gouvernement clarifiera la situation prochainement.

Tout comme M. Jolin, le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, croit que le gouvernement a manqué une bonne occasion de clarifier une fois pour toute.

« Moi, je cherchais à m’assurer que la loi soit totalement étanche, qu’il n’y ait pas de justifications ou d’échappatoires possibles pour personne. Là, maintenant, on doit s’assurer de prendre aux mots le gouvernement quand il dit que c’est désormais très clair », explique-t-il.

Il invite les citoyens à faire des plaintes à son bureau dans le domaine de la santé s’ils rencontrent des problèmes pour recevoir des services en français.