Le président de l'AFO,

[ANALYSE]

OTTAWA – La refonte de la Loi sur les services en français? Carol Jolin pensait que ça serait allé « plus vite ». L’unilinguisme ennuyeux de la néo-démocrate Andrea Horwath pour le débat des chefs en français : « Elle a donc plusieurs mois pour l’apprendre ». Peu avant de commenter les chiffres décevants du recensement à la caméra pour #ONfr, Carol Jolin prévient : « Il va falloir que je sois cinglant ». Le résultat a été à la hauteur.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Depuis sa prise de fonction à la tête de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) le 30 octobre 2016, le style de Carol Jolin tranche avec son prédécesseur Denis Vaillancourt. Là où l’ancien président se montrait toujours soucieux de ménager la chèvre et le chou dans ses déclarations, M. Jolin a moins de scrupules. Les mots sont soigneusement choisis, pas de dérapages, mais il y a manifestement chez le résident d’Orléans un côté plus revendicateur.

Comprendre cette différence entre les deux leaders franco-ontariens, c’est aussi regarder à la loupe leurs parcours professionnels. Denis Vaillancourt, ancien sous-ministre adjoint au ministère de l’Éducation de l’Ontario, est de ceux qui préfèrent le consensus, pour qui les mots prononcés ont la valeur de l’or. Carol Jolin, ancien président de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO), est plus habitué aux luttes sociales. L’affirmation des idées et des convictions sur la place publique font partie de son ADN.

Mais il serait bien inutile de comparer à ce jour les bilans de MM. Vaillancourt et Jolin. Au-delà des différents styles personnels des deux hommes, l’équation est bien plus complexe pour comprendre le ton dorénavant plus politisée de l’AFO.

L’héritage de Denis Vaillancourt

Créee en 2005 avec la fusion de l’Assemblée des communautés franco-ontariennes (ACFO) et la Direction de l’Entente Canada-communauté Ontario (DECCO), l’AFO a d’abord peiné pour s’imposer comme un joueur clé dans la francophonie.

Ébranlé par problèmes de gestion (climat de travail tendu, taux de roulement de personnel élevé, dépenses mal avisées), l’AFO avait connu des premières années délicates. L’arrivée de Denis Vaillancourt a justement permis de stabiliser l’organisme, lui donner une crédibilité. C’est ici le legs de l’ex-président.

Avec la venue de Peter Hominuk au poste de directeur général en 2012, l’AFO a alors jeté les bases d’une orientation plus politique. Jusqu’alors, les trois lettres de l’acronyme AFO ne disaient pas grand-chose aux députés sur les bancs de Queen’s Park. Cinq ans plus tard, l’organisme entretient des relations cordiales avec chacun des trois principaux partis. Un atout non négligeable en cas d’arrivée au pouvoir des progressistes-conservateurs ou des néo-démocrates.

Au passage, l’embauche d’un conseiller politique (2013) puis d’un analyste politique (2016) ont participé à cette transition. La table était donc mise pour Carol Jolin, élu par acclamation.

Jolin, un point d’ancrage intéressant

À quoi ressembleront les prochaines années pour l’AFO? Il y aura sans doute plus de Livres blancs, concept utilisé pour répertorier les enjeux politiques d’un thème bien précis. Celui sur les médias francophones sera d’ailleurs dévoilé dans les prochaines semaines. Les élections provinciales du printemps prochain seront aussi l’occasion pour l’organisme de faire entendre sa voix.

Le sempiternel débat, visible sur les médias sociaux, entre les francophones « étapistes », prudents dans leur approche, et les partisans de « beaucoup plus de mordant », a peut-être trouvé un point d’ancrage intéressant en la personne de Carol Jolin.

La capacité de l’AFO à pousser et convaincre de la pertinence de dossiers auprès du gouvernement peut très vite rimer avec des avancées.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 14 août.