Le ministre Dion défend la « conviction responsable »

Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion. Benjamin Vachet

OTTAWA – Dans un discours prononcé à l’Université d’Ottawa dans le cadre de la conférence internationale Le Canada sur la scène internationale : Nouveaux défis, nouvelles approches, mardi 29 mars, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a défendu la stratégie libérale en matière de politique internationale et plaidé pour une « conviction responsable ».

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Tenir compte des conséquences de ses décisions, tout en étant fier de ses convictions, voici en résumé la doctrine qu’adoptent le ministre des Affaires étrangères et son gouvernement libéral en matière de politique internationale.

Pendant une quarantaine de minutes, le ministre Stéphane Dion a défendu les choix du gouvernement Trudeau à l’Université d’Ottawa et plaidé pour une nouvelle approche, à l’opposé de celle adoptée par les conservateurs de Stephen Harper, coupables de s’être isolés, selon lui.

« C’est souvent une erreur que de couper les ponts avec un régime qui nous déplaît. Au contraire, il faut lui parler franchement et exprimer clairement nos convictions, dans le but d’obtenir un changement positif. L’engagement n’est pas à confondre avec l’acquiescement et la cordialité. »

Multipliant les attaques contre le précédent gouvernement, coupable de ne pas avoir toujours évalué les conséquences de ses actions et d’avoir mené des politiques inefficaces, selon M. Dion, ce dernier a plaidé pour une action concertée avec les alliés du Canada.

« Il faut s’efforcer d’agir, le plus souvent, de concert et en complémentarité avec nos alliés. Une action isolée aura rarement l’effet souhaité. »

Concrètement, cela signifie que le Canada ne doit plus employer la politique de la chaise vide, selon M. Dion, qui prend pour exemple les relations avec la Russie.

« Il faut se rappeler que lors de la guerre froide, le Canada a continué à parler à l’Union Soviétique. Si la politique de « désengagement » du gouvernement Harper avait été en vigueur en 1972, il aurait été impossible d’organiser la Série du siècle entre le Canada et l’URSS – lors de laquelle Paul Henderson a compté son fameux but – qui a contribué à renforcer les liens entre nos cultures et nos peuples durant une période très tendue. »

Réalisme politique

En définitive, la nouvelle approche prônée par M. Dion ne devrait toutefois pas être si différente de celle des conservateurs, au moins sur les objectifs visés.

Citant la lutte contre le terrorisme, M. Dion explique ainsi que seule la façon de combattre cette menace change, mais que l’objectif visé reste le même que sous le gouvernement Harper : l’éradiquer.

Quant à la méthode, la « conviction responsable » semble finalement n’être qu’un synonyme de realpolitik, soit un pragmatisme politique à tous crins.

Équilibriste, M. Dion a donc condamné le manque de respect des droits de l’homme et surtout de la femme en Arabie Saoudite, tout en continuant à défendre la position de son parti de maintenir le contrat de blindés qui lie le Canada à ce pays.

« J’aimerais bien sûr vivre dans un monde exempt d’armes. Malgré cette conviction pacifique, je dois tenir compte du monde réel si je souhaite être un décideur responsable. »

Justifiant ce choix, il poursuit : « Rompre (ce contrat) pourrait mener à des conséquences néfastes. (…) L’annulation de ce marché de 15 milliards $ pourrait entraîner des amendes salées pour les contribuables canadiens et nuire à la crédibilité de la signature du gouvernement du Canada. Ces conséquences auraient un effet en chaîne sur une industrie dont dépendent directement 70000 emplois au Canada, plusieurs occupés par d’anciens combattants. Au moins deux mille travailleurs, principalement à London, en Ontario, perdraient leur emploi. Un équipement semblable serait presque certainement vendu à l’Arabie saoudite par une autre entreprise d’un autre pays. Vue de Riyad, il importe peu que l’équipement vienne d’une usine de Lima, en Ohio, ou de Stirling Heights, au Michigan, plutôt que d’une usine de London, en Ontario. »

Le ministre a toutefois assuré que, dans le futur, les licences d’exportation pour ce type d’équipement seront examinées rigoureusement, avec une plus grande transparence de la part du ministre des Affaires étrangères, en consultation avec la ministre du Commerce extérieur, afin d’évaluer si elles seront utilisées dans le respect des lois internationales, des droits de la personne et de nos intérêts nationaux.