Le destin inachevé du Centre Jules-Léger

Le Centre Jules-Léger d'Ottawa. Archives ONFR+

[ANALYSE]

OTTAWA – La loi « omnibus » votée le 14 décembre dernier à Queen’s Park a marqué deux avancées pour les Franco-Ontariens : l’université de langue française et un nouveau statut pour le bilinguisme à Ottawa.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

On a moins parlé d’un troisième pas en avant, tout aussi visible dans la vaste loi. Celui de la gouvernance du Centre Jules-Léger dont la gestion est maintenant assurée par les conseils scolaires de langue française.

L’avenir du centre pour enfants francophones sourds, aveugles, sourd-aveugles ou ayant un trouble d’apprentissage d’Ottawa, était jusque-là incertain. En octobre dernier, le gouvernement de l’Ontario avait savamment mis en scène cette sauvegarde lors d’une annonce dans l’établissement. On promettait alors sa gestion par les conseils scolaires, moyennant une future loi.

À quelques mois des élections, le geste n’était pas anodin. D’autant que le dossier traînait depuis très longtemps. Dès février 2015, le Regroupement des parents et amis des enfants sourds et malentendants franco-ontariens (RÉSO) était monté aux barricades. La raison? Le lancement d’un processus de consultation par le ministère de l’Éducation sur les écoles provinciales et d’application. Un processus qui ne présageait rien de bon et ravivait l’une des vieilles revendications : que le Centre Jules-Léger s’émancipe de la Division de l’apprentissage et du curriculum. Une division… de langue anglaise.

Hausse du budget en attente

Tout est bien qui finit bien, mais en apparence. Car comme dans la plupart de ses annonces pour les Franco-Ontariens en 2017, le gouvernement n’a livré qu’une partie de la marchandise. Ce transfert de gestion vers les conseils scolaires ne s’est pas accompagné d’une nouvelle enveloppe. Dans les coulisses, on dit même que le budget alloué au centre a baissé au cours des dernières années, et demeure somme toute très loin de celui des établissements anglophones.

D’autres zones d’ombres persistent. À savoir de qui dépendront les enseignants et le personnel de soutien du Centre Jules-Léger. La meilleure option semble ici de les placer sous l’influence de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO). De même, le terrain et l’édifice seront-ils inclus dans le transfert de gestion? Dans le cas contraire, tout ajout au bâtiment existant pourrait complexifier un peu plus les procédures.

La nécessité d’anticiper la lentille francophone

Reste que les deux ans et demi de flou entre le lancement d’une consultation gouvernementale et la sauvegarde du centre ont été pour beaucoup irrespirables. En matière de soins spécifiques en français, le cas du Centre Jules-Léger n’est pas isolé. Il est même symptomatique des difficultés des Franco-Ontariens à convaincre le gouvernement de la nécessité d’une lentille francophone.

Dernier exemple : la désignation partielle de l’Hôpital général de la baie Georgienne (HGBG) à Midland en vertu de la Loi sur les services en français, en juillet 2017. Une désignation obtenue… trois ans après la fermeture de l’hôpital principal sur le site de Penetanguishene. Un laps de temps beaucoup trop long, qui n’était pas sans rappeler à certains égards la crise de Montfort. Il y a quelques mois, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) n’avait pas pu obtenir une lentille francophone dans la loi 41 votée à Queen’s Park. Un texte destiné grosso modo à donner la « priorité aux patients ».

L’urgence est pourtant là. En santé et en éducation plus que dans les autres domaines, les spécificités demandées ne concernent pas souvent un faible échantillon, mais ici l’ensemble des 622 000 Franco-Ontariens.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 8 janvier.