Le débat sur l’éducation sexuelle s’envenime

Des manifestants ont montré à Queen's Park leur opposition à une réforme de l'éducation sexuelle, le 24 février.

TORONTO – Le ton du débat sur l’éducation sexuelle a monté d’un cran à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Assemblée législative de l’Ontario, le mardi 24 février.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Devant l’édifice, des manifestants contre une réforme de l’éducation sexuelle dans la province ont fait valoir leur mécontentement à l’aide de slogans comme « cessez de corrompre la prochaine génération » et « les mathématiques, pas la masturbation ».

Les organisateurs de la manifestation, des membres d’un groupe appelé Our Concern in Sex Education Curriculum, avaient annoncé de 1800 à 2000 participants. Ils en ont plutôt réuni de 180 à 200 au plus fort de l’événement.

« La première ministre Kathleen Wynne dit qu’elle a consulté largement à ce sujet. Elle dit que son gouvernement a consulté des experts à travers la province. On dirait que les seules personnes qu’elle n’a pas consultées sont les parents », a déclaré aux manifestants le député fédéral Patrick Brown, qui brigue aussi la chefferie du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario.

Contre-manifestation

La ministre de l’Éducation, Liz Sandals, a clairement fait savoir qu’opposition ou pas, le nouveau Programme-cadre révisé d’éducation physique et de santé – qui englobe l’éducation sexuelle – sera enseigné tel quel dans les écoles de l’Ontario à compter de l’automne.

Les libéraux à Queen’s Park avaient abandonné un premier projet de réforme de l’éducation sexuelle en 2010, sous l’impulsion de groupes religieux et de parents inquiets qu’on veuille aborder avec des enfants de 8 ans des thèmes comme l’homosexualité ou la masturbation.

En marge de la manifestation, une poignée de contre-manifestants sont venus témoigner leur appui à la réforme du gouvernement. « L’éducation sexuelle sauve des vies », ont-ils scandé dans un porte-voix, enterrant plus d’une fois leurs adversaires.

La manifestation a pris fin sur des échanges vigoureux entre les supporteurs et les opposants à l’éducation sexuelle, chacun essayant de faire valoir son point plus fort que l’autre. Les deux groupes se sont ensuite séparés dans le calme, sous l’œil attentif de la police.

McNaughton homophobe?

À l’intérieur de l’Assemblée législative, les parlementaires se sont aussi livrés à d’âpres échanges au sujet du nouveau curriculum d’éducation sexuelle, le 24 février.

Le progressiste-conservateur Monte McNaughton, farouchement opposé à la réforme, est monté le premier aux barricades. « La première ministre ne devrait pas imposer sa vision des choses aux parents de cette province », a scandé l’élu de la région de London.

Le clan libéral n’a pas riposté qu’à moitié.

« Si vous étiez premier ministre, vous pourriez aussi cesser d’enseigner l’évolution », a balancé la ministre Liz Sandals au député de Lambton-Kent-Middlesex, un autre candidat à la chefferie de son parti qui est perçu comme un ultraconservateur même parmi ses pairs.

Mais c’est la première ministre Kathleen Wynne, ouvertement lesbienne, qui a donné le coup de grâce à Monte McNaughton. Elle lui a demandé d’expliquer pourquoi il a déclaré, la veille, dans une mêlée de presse, que ce n’était pas « spécialement » à elle de « dire aux parents qui est approprié pour l’âge de leurs enfants. »

« Qu’est-ce qui me disqualifie », a demandé Mme Wynne à l’élu de l’opposition, l’accusant à mots couverts d’être homophobe.

M. McNaughton s’est recroquevillé dans son fauteuil, les yeux rivés sur son téléphone portable pendant plusieurs minutes après cette dernière salve. Il a plus tard nié être homophobe, qualifiant l’insinuation de la première ministre de « ridicule ».

Le curriculum d’éducation sexuelle de l’Ontario n’a pas été modernisé depuis 1998. C’est le programme du genre le plus poussiéreux au Canada.