« Le commissariat va devoir se refaire une crédibilité », dit Choquette

Le nouveau commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge.

OTTAWA – La longue saga qui a entouré la nomination d’un nouveau commissaire aux langues officielles a fragilisé l’institution, estime le porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette. Une analyse que nuancent les politologues Stéphanie Chouinard et Rémi Léger.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Ghislaine Saikaley a fait du mieux qu’elle pouvait, mais une commissaire par intérim ne peut pas se lancer dans de longues études, comme avait pu le faire Graham Fraser sur l’accès à la justice, ni développer une vision à long terme. Ce n’est pas de la faute du commissariat, mais aujourd’hui, il doit se refaire une crédibilité », juge le député néo-démocrate, François Choquette.

Le porte-parole aux langues officielles pour le NPD en veut pour preuve le refus du Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada d’enquêter sur sa plainte relative à la nomination de Madeleine Meilleur. À l’époque, M. Choquette contestait le manque de consultation des chefs des partis d’opposition par le gouvernement quant à la nomination de l’ancienne ministre ontarienne, comme prévu dans la Loi sur les langues officielles (LLO).

Professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver, Rémi Léger, reconnaît que pendant un an, le CLO s’est fait plus discret.

« Le travail a continué à se faire à l’interne, mais il est vrai que publiquement, il n’y avait personne pour s’approprier les dossiers. Le nouveau commissaire risque d’en avoir beaucoup à rattraper. »


« Le gouvernement a voulu mettre en place un nouveau processus plus transparent et objectif, mais au final, cela reste une nomination politique et il vaudrait mieux le dire clairement que de prétendre le contraire. » – Rémi Léger, politologue


Un avis que partage la professeure adjointe au département de science politique du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.

« À l’interne, cela n’a pas nui au Commissariat, car Mme Saikaley y travaillait déjà depuis de nombreuses années, mais c’est vrai qu’elle a été plus discrète et en un an, il est difficile d’imprimer une nouvelle vision. »

M. Théberge va devoir rassurer

Si le recours à un commissaire par intérim n’a rien d’exceptionnel, c’est la première fois que cette transition a été aussi longue au CLO. Mme Saikaley sera restée en poste un an, avant la nomination de Raymond Théberge, mi-décembre.

« M. Fraser avait pourtant annoncé son départ bien à l’avance. Ce n’est pas le seul poste de commissaire qui a mis du temps à être comblé, mais cela a donné l’impression que le gouvernement était mal organisé ou pas préoccupé par le dossier », analyse M. Léger.

Mais plus que la crédibilité du CLO, le politologue juge que ce sera plutôt au nouveau commissaire lui-même de rassurer.

« Ça va être important pour lui, dans les six premiers mois de son mandat, de rassurer les gens avec des positions clairement articulées. Pendant ses comparutions, cela ne semblait pas toujours être le cas », remarque M. Léger. « Quand ils sont entrés en poste, Dyane Adam, puis M. Fraser savaient ce qu’ils voulaient accomplir. Quand la question a été posée à M. Théberge, il ne semblait pas avoir d’idées et manquer d’ambition. »

Selon le politologue, le dévoilement du futur plan d’action pour les langues officielles au printemps et la question de la modernisation de la LLO lui offriront deux occasions de se positionner. Mme Chouinard se montre toutefois confiante.

« M. Théberge a laissé une mauvaise première impression sur la question du bilinguisme des juges à la Cour suprême, il va donc devoir faire ses preuves. Mais c’est une personne qui sait gérer les crises, comme il l’a fait lors de son entrée en poste à l’Université de Moncton. »

Les attentes de la FCFA

Selon M. Léger, l’absence d’une voix forte au CLO a ou bénéficier à la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada qui a occupé la place. Mais pour Mme Chouinard, cette situation a aussi pénalisé les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

« Il y a tout un travail d’éducation à faire, des liens à créer… La FCFA va devoir s’assurer que les enjeux sont bien compris. »

Le président de l’organisme, Jean Johnson, explique que les francophones de l’extérieur du Québec auront « d’immenses attentes ».

« Il faut que le commissariat joue son rôle et soit prêt à avoir recours à la justice si nécessaire afin de permettre aux communautés de se concentrer sur le travail politique. Aller devant les tribunaux est fatigant mentalement et financièrement pour nos communautés, on va donc vouloir qu’il prenne le relais. »


CHRONOLOGIE D’UNE SAGA :

15 septembre 2016 : le mandat de Graham Fraser, qui devait se terminer le 16 octobre, est prolongé jusqu’en décembre 2016

16 décembre 2016 : Ghislaine Saikaley est nommée commissaire par intérim pour 6 mois

15 mai 2017 : Le gouvernement annonce son choix de nommer l’ancienne ministre libérale provinciale, Madeleine Meilleur, pour succéder à M. Fraser

7 juin 2017 : Face à la controverse et après un passage difficile devant le Sénat, Madeleine Meilleur retire sa candidature

21 juin 2017 : Le mandat de Mme Saikaley est prolongé de 6 mois

28 juillet 2017 : Le gouvernement relance le processus de nomination

30 novembre 2017 : Le gouvernement annonce son choix de nommer le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, Raymond Théberge, comme commissaire aux langues officielles du Canada

13 décembre 2017 : Après le Sénat, la Chambre des communes confirme la nomination de M. Théberge

 


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