Langues officielles : les jeunes font leurs recommandations

Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – Invitée à soumettre ses idées, une délégation de jeunes militants francophones de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) a proposé plusieurs recommandations, le vendredi 8 septembre, afin de moderniser la Loi sur les langues officielles (LLO).

BENJAMIN VACHET
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Au cours d’une table ronde qui a souvent davantage ressemblé à un tour d’horizon de la francophonie de l’extérieur du Québec vue par des jeunes francophones qu’à une consultation pour revoir la LLO, les participants n’ont pas hésité à dresser un portrait parfois sombre du français en milieu minoritaire.

« En Saskatchewan, on ne peut pas s’épanouir en français! Le français y est vu comme un mal de tête et non comme un atout », a ainsi illustré la Fransaskoise, Gabriela Quintanilla.


« La Saskatchewan est probablement en train de lire la Loi sur les langues officielles, quand nous sommes ici en train de parler de la moderniser! » – Gabrielle Quintanilla


Le constat est le même en Colombie-Britannique, où selon Louis Roux, les Franco-Colombiens ont souvent bien du mal à s’identifier à la communauté francophone et où le gouvernement provincial « manque de leadership », la province étant la seule à ne disposer ni d’une politique ni d’une loi sur les services en français.

« Il ne faut pas juste une loi pour dire où tu peux parler en français, il faut des places pour le faire », lance Seth Fraser, de Nouvelle-Écosse.

« Le problème, c’est que la culture au Canada devrait déjà être bilingue et inclure le français. Si on est vraiment Canadien, on devrait être bilingue! J’aimerais que dans 100 ans, on arrête de parler du français et de l’anglais, mais qu’on parle d’un vrai Canada bilingue », a souligné, de manière plus générale, Julien Gaudet, directeur de l’Association jeunesse fransaskoise (AJF).

Manque d’accès à des programmes d’éducation post-secondaire en français, à des lieux pour parler le français et partager la culture francophone, insécurité linguistique, absence de lien avec les élèves de l’immersion, financement insuffisant pour les organismes jeunesses… Autant de problématiques soulevées qu’une modernisation de la LLO aura sans doute bien du mal à régler.

Mais pour le président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), Pablo Mhanna-Sandoval, il était nécessaire de soulever ces points.

« Le but principal aujourd’hui, c’était d’apporter la réalité générale vécue par les jeunes à travers le pays directement aux oreilles des sénateurs qui s’occupent de moderniser la Loi. Ce sera ensuite à eux de mettre en action nos remarques dans un nouveau texte législatif. Le fait que la Loi ait été conçue il y a presque 50 ans a un impact sur son efficacité. Elle ne répond pas, par exemple, aux besoins numériques qui sont la réalité des jeunes du 21e siècle. Je pense qu’il y a un potentiel que ce nouveau texte législatif définisse la dualité linguistique du pays et la richesse linguistique et culturelle du Canada. »

L’apprentissage du français obligatoire?

La FJCF a toutefois plusieurs idées pour moderniser la LLO.

« Il faut introduire dans la Loi la notion de qualité du français dans les services offerts à la population, mais aussi le concept de « demandes importantes » qui justifie là où sont offerts les services. Il faudrait également revoir la définition de ce qu’est un francophone, pour la rendre plus inclusive et prévoir des consultations préalables pour ce qui concerne la partie IV de la Loi, sur les Communications avec le public et la prestation des services », a ainsi énuméré Gillian Theoret, trésorière de l’organisme porte-parole des jeunes francophones en milieu minoritaire.

La vice-présidente de la FJCF, Sophie Brassard, en appelle également au gouvernement fédéral qui devrait faire de la sensibilisation et de la promotion du français et de la dualité linguistique par l’entremise d’une campagne nationale.

D’autres idées plus ambitieuses encore ont été avancées, comme celle de rendre les cours de français obligatoires pour tous les jeunes Canadiens ou encore, de donner plus de dents à la LLO pour qu’elle soit enfin respectée.

« Quand le gouvernement fédéral donne de l’argent, les services qui en découlent devraient forcément être bilingues! », a partagé M. Gaudet.

Pour M. Mhanna-Sandoval, une nouvelle LLO devrait aussi tenir compte des langues des Premières Nations.

Pas de surprise

Présidée par les sénateurs Lucie Moncion et René Cormier, cette rencontre s’inscrivait dans les consultations nationales menées par le comité sénatorial des langues officielles en vue de moderniser de la Loi sur les langues officielles, à l’approche du 50e anniversaire de la Loi en 2019.

À l’issue de la table ronde, le sénateur acadien ne se montrait pas surpris des commentaires formulés par les jeunes.

« Je n’ai pas eu d’énormes surprises, mais j’ai vu des jeunes articulés, lucides et pour certains, extrêmement engagés dans ce désir que la Loi ait plus de mordant, qu’elle ait plus d’impact dans la vie des Canadiens et que le gouvernement fédéral joue un rôle de leader pour que tous les Canadiens considèrent que les langues officielles, c’est notre histoire à tous. »

De son côté, la sénatrice franco-ontarienne a particulièrement apprécié la proposition de rendre l’apprentissage du français obligatoire à travers le Canada.

« C’est une proposition intéressante, car cela pourrait nous démarquer de la culture américaine et donner un caractère unique au Canada par rapport à sa diversité linguistique. Il serait tout à fait réaliste de voir les enfants apprendre les deux langues dès le plus jeune âge. Mais après, il faut aussi penser à comment ils vont s’en servir et ne pas en perdre l’usage en grandissant. »

Outre les jeunes, le comité sénatorial a prévu de consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les personnes qui ont été témoins de l’évolution de la Loi sur les langues officielles, le secteur de la justice et les institutions fédérales.