Langues officielles : des besoins évalués à 224 millions

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Archives #ONfr

OTTAWA – L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) demande à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, de faire du rattrapage et de compenser les années de gel de financement dans son prochain Plan d’action pour les langues officielles.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Souvent évoqués, les problèmes de financement pour les organismes francophones en milieu minoritaire sont désormais chiffrés. Selon les calculs de l’AFO, le gouvernement fédéral, pour combler le retard amorcé en 2008, devrait ajouter au moins 224 millions de dollars sur cinq ans au financement du prochain Plan d’action pour les langues officielles.

« Cette somme provient d’un calcul assez simple. Nous avons simplement fait notre calcul avec la hausse annuelle du coût de la vie qui se situe à 1,53 % entre 2008 et 2017. Ce n’est pas une surprise pour le gouvernement puisque nous lui avions déjà indiqué lors des consultations prébudgétaires et en avons aussi parlé avec plusieurs députés fédéraux. Nous voulions simplement nous assurer que ce ne soit pas oublié », explique le président Carol Jolin.

Dans sa lettre ouverte diffusée le lundi 1er mai, l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens  demande au gouvernement d’agir et de passer de la parole aux gestes.

« En décembre dernier, Mélanie Joly avait réaffirmé l’importance du bilinguisme et des deux langues officielles au pays. Elle avait également ajouté qu’il était possible de mieux faire dans ce domaine.  Le renouvellement du Plan d’action pour les langues officielles est donc l’occasion parfaite pour passer de la parole aux actes. Rétablissons le financement de nos organismes au moins au niveau de 2008 et assurons la vitalité de nos communautés francophones! », peut-on lire dans le document.

L’AFO estime qu’en tenant compte de l’inflation, le gel du financement provenance du Plan d’action pour les langues officielles depuis dix ans a « privé les organismes linguistiques en milieu minoritaire de 165 millions de dollars ».

« Nous avons vu plusieurs petits organismes devoir diminuer leurs activités et d’autres mêmes fermer leurs portes. Je pense notamment à l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) de Nipissing. D’autres tentent de se relever comme à Cochrane. Ce n’est pas toujours facile pour une petite communauté de trouver des moyens de diversifier son activité et ses sources de financement. Souvent les organismes tiennent juste sur la bonne volonté de certaines personnes qui avec peu de moyens et des salaires assez faibles, font énormément. »

M. Jolin cite toutefois quelques exemples de diversification réussie comme à l’Assemblée des communautés francophones de l’Ontario (ACFO) de Durham-Peterborough ou La Clé d’la Baie.

« Ce sont des modèles de dynamisme, mais dans certains milieux c’est plus difficile de faire la même chose. »

Coup de pression

Pour le président de l’AFO, il est donc urgent que le gouvernement fédéral joue son rôle dans le dossier des langues officielles.

« Il y a eu dix ans de négligence et si la ministre Joly veut vraiment faire mieux dans ce dossier, comme elle le dit, ça prend des sous! Il faut une majoration importante pour permettre aux organismes communautaires francophones de faire leur travail. »

Ce coup de pression sur le gouvernement fédéral intervient alors que se prépare le nouveau Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 sur lequel les communautés francophones, par la voix de leur organisme porte-parole la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, comptent beaucoup.

Alors que la FCFA réclamait une indexation dès 2017-2018 des fonds attribués aux organismes et institutions de la francophonie canadienne, le récent budget fédéral a déçu. Le gouvernement libéral prône la patience expliquant qu’il travaille sur son nouveau plan d’action pour les langues officielle, après avoir consulté la population canadienne l’été et l’automne derniers.

Les détails du nouveau plan devraient être connus cet été. En décembre, les députés du comité permanent des langues officielles avaient eux-aussi plaidé pour une hausse du financement dans leur étude intitulée Vers un nouveau plan d’action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l’immigration francophone en milieu minoritaire.

La récente réponse du gouvernement de Justin Trudeau au rapport de ce comité n’incite toutefois pas à l’optimisme, tout comme la réponse évasive de Mme Joly sur la question du financement en octobre dernier.

Contactée par #ONfr, la ministre Joly, par la voix de son porte-parole, Pierre-Olivier Herbert, a réitéré une réponse tout aussi évasive.

« Nos deux langues officielles – le français et l’anglais – sont au cœur de notre histoire et de qui nous sommes.  Nous sommes fiers d’exercer un leadership positif en la matière après 10 ans d’inaction sous le gouvernement précédent. Nous allons analyser toutes les données qui pourront nous appuyer dans la préparation de notre premier plan d’action en matière de langues officielles qui sera en vigueur dès 2018. »