L’ambitieux projet de l’Ontario dans l’OIF

La ministre des Affaires francophones de l'Ontario, Marie-France Lalonde, en compagnie de la Secrétaire générale de l'OIF, Michaëlle Jean Gracieuseté OIF

[ANALYSE]

TORONTO – Arrivée sur la pointe des pieds au gouvernement, Marie-France Lalonde peut se targuer d’avoir déjà deux réalisations majeures sous son mandat de ministre des Affaires francophones : l’autonomie de ce même ministère et l’adhésion à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Dans le second cas, le flou demeure toujours.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

L’annonce de l’adhésion de la province le 26 novembre 2016 a pourtant concrétisé un long parcours du combattant. Le résultat de plusieurs années de demandes pour adhérer à l’institution de Michaëlle Jean.

Neuf mois après, certains restent encore sur leur faim. En déplacement à Ottawa en juin dernier, Mme Jean avait annoncé une première retombée, une entente de coopération entre l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et le Réseau de développement économique et de l’employabilité de l’Ontario (RDÉE-Ontario). C’est encore trop peu au regard du poids international de l’organisme.

Pour le reste, la nomination du « sherpa » censé représenter l’Ontario n’a pas été effectuée. La province manque donc toujours d’une voix officielle à la table de l’OIF.

Franco-Ontarienne d’adoption, Mme Jean a exprimé son souhait de voir l’Ontario rejoindre l’institution en tant que membre à part entière. Une position aussi occupée par le Québec et le Nouveau-Brunswick. Il faut dire que le statut des membres observateurs – soit un quart des adhérents à l’OIF – est pour le moins limitatif. L’Ontario n’a pas le droit d’intervenir dans les grandes réunions de l’institution, ne peut pas présenter de candidats aux postes à pourvoir, et n’est pas autorisé à faire partie des séances à huis clos.

Des obstacles pour être membre de plein droit

Le souhait de Mme Jean n’est pas si facile à mettre en pratique. Si ce « statut de plein droit » a bien été mentionné par la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, dans sa lettre d’adhésion envoyée à son homologue fédéral, Justin Trudeau, il y a quand même quelques obstacles pour l’obtenir.

Le premier, c’est qu’à la différence du statut d’observateur, la « membriété à part entière » n’est pas gratuite. La somme obligatoire, proportionnelle au Produit intérieur brut (PIB), de la province, pourrait se chiffrer à quelque 2,5 millions de dollars par an. Un montant auquel s’ajouteront des contributions volontaires. Un simple changement de statut pourrait donc coûter autant à la province que le budget du ministère des Affaires francophones (5 millions de dollars).

Autre défi : l’Ontario doit se doter d’un geste fort pour les francophones, comme une province officiellement bilingue, pour être membre de plein droit. C’est ici l’avis de plusieurs experts. Si la province a franchi un premier pas le 31 juillet avec l’autonomie du ministère des Affaires francophones, le plus gros reste à faire.

Les avantages économiques

On aurait en tout cas tort de voir la volonté du gouvernement de gagner des galons au sein de l’OIF comme un simple geste symbolique et électoraliste envers les Franco-Ontariens. Les visées sont aussi économiques. Par l’intermédiaire de l’OIF, l’Ontario compte améliorer ses relations commerciales avec les pays africains. L’industrie minière des pays francophones comme la Guinée ou le Burkina Faso constitue un attrait intéressant.

En soignant sa relation avec d’autres pays via l’OIF, l’Ontario pourrait aussi régler son problème d’une trop faible immigration francophone, toujours bloquée à 2 % du total des nouveaux arrivants. De quoi faire de l’institution une clé pour l’avenir, et de souhaiter logiquement une implication plus forte de l’Ontario.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 21 août.