La présomption de Kathleen Wynne

La fin de la campagne électorale fédérale marque le retour des projecteurs sur la chef libérale Kathleen Wynne. (Photo: Parti libéral de l’Ontario)
La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Archives

[ANALYSE]

TORONTO – L’histoire semblait enterrée. À quelques jours de deux élections partielles cruciales, elle ressort au plus mauvais moment pour le Parti libéral de l’Ontario (PLO).

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les faits peuvent sembler banals : une élection partielle à Sudbury en février 2015, un candidat potentiel pour les libéraux (Andrew Olivier), un autre candidat vedette (Glenn Thibeault), et finalement deux cadres du parti (Gerry Lougheed et Patricia Sorbara) qui auraient utilisé leur pouvoir d’influence pour dissuader M. Olivier (c’est ce que ce dernier a révélé) au profit de Glenn Thibeault, en fin de compte élu. Un procédé bien sûr contraire à la loi électorale et synonyme de corruption.

Les accusations portées cette semaine contre les deux membres du PLO n’ont pas manqué de déclencher l’ire des partis d’opposition à Queen’s Park. L’occasion était à vrai dire trop belle. Derrière les portes closes, cette pratique est pourtant monnaie courante dans les partis politiques.

Si rien n’a pu être prouvé, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a suscité des interrogations lors de l’élection partielle de Scarborough-Guildwood en 2013. La leader Andrea Horwath avait manifestement poussé pour que l’ancien conseiller municipal de Toronto, Adam Giambrone, remporte l’investiture. De même pour le Parti progressiste-conservateur (PC de l’Ontario), le fait qu’il n’y ait pas eu de course à l’investiture pour les partielles récentes à Scarborough Rouge-River ou Ottawa-Vanier peut surprendre.

Les deux cadres du PLO bénéficient en tout cas d’une présomption d’innocence, même si l’erreur de Kathleen Wynne se situe ailleurs. S’il s’avère que le gouvernement libéral a usé de son influence auprès de M. Olivier, et donc sous-estimé les révélations de ce candidat potentiel, c’est donc une lecture de jugement erronée et une grave présomption. En d’autres mots, la première ministre l’aurait sans doute vu « trop facile ».

Ce ne serait pas la première fois que l’équipe Wynne agirait de la sorte, prenant pour acquis que le vent va souffler éternellement dans son sens. La chute de la chef du PLO dans les sondages n’est pas étrangère à cette manière de procéder.

Los des élections provinciales en juin 2014, le gouvernement avait certes obtenu une majorité. Face au progressiste-conservateur Tim Hudak, approximatif et peu charismatique, et à la néo-démocrate Andrea Horwath, auteure d’une campagne terne, Kathleen Wynne s’était logiquement imposée comme la leader la plus solide. Un succès par défaut… que le Parti libéral a vite oublié.

Fine politicienne et rassembleuse au sein de son parti, la première ministre gouverne depuis deux ans comme si elle ne devait rien à personne. Sa promesse phare d’un plan d’épargne-retraite a été abandonnée au cours de l’été, la vente d’Hydro One a pris beaucoup de ses électeurs par surprise. La montée vertigineuse des prix des factures d’électricité fait écho aux dossiers sombres de la vente des deux centrales au gaz sous l’ère de Dalton McGuinty.

Malgré ses ratés, l’ancien premier ministre de l’Ontario avait au moins compris la nécessité de venir souvent à Ottawa, là où Mme Wynne limite ses visites à environ tous les deux mois, sauf en cas d’une élection partielle à venir, comme c’est le cas à Ottawa-Vanier.

À quelques jours de ce même scrutin, jamais les libéraux n’ont vu ce château-fort libéral aussi menacé. Le dynamisme du candidat progressiste-conservateur André Marin ne peut pas tout expliquer.

Que ce soit lors d’une élection partielle à Sudbury ou à Ottawa-Vanier, les libéraux doivent comprendre que rien ne leur est acquis. L’usure du pouvoir dont ils font aujourd’hui face prend quelque part sa source dans cette présomption. À un an et demi des élections générales, elle pourrait leur être fatale.

Cette chronique est également publiée dans le Journal Le Droit du 5 novembre