La pénurie d’enseignants francophones continue d’inquiéter

Archives ONFR+

OTTAWA – Alors que le retour à l’école s’amorce dans la province, les conseils scolaires francophones sont, cette année encore, confrontés aux difficultés de trouver des enseignants francophones pour répondre à une demande sans cesse croissante.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Bien que l’Est de l’Ontario demeure la région comptant le plus de francophones et qu’elle bénéficie de la proximité du Québec, la pénurie d’enseignants de langue française n’épargne pas les conseils scolaires qui s’y trouvent.

« Nous connaissons des défis de recrutement qui s’expliquent notamment par la forte croissance de notre conseil scolaire », analyse la directrice aux ressources humaines du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), Laurie-Ève Bergeron.

Pour répondre aux besoins de ses 55 écoles, elle explique que son conseil va puiser à l’extérieur de la province, notamment au Québec, pour trouver de nouveaux enseignants.

À Toronto, le Conseil scolaire catholique MonAvenir rapporte qu’il lui reste encore quelques postes d’enseignants à combler et que des recrutements sont en cours.

« De plus en plus d’élèves sont inscrits chaque année, et nous ouvrons de nouvelles écoles également. Ceci veut donc dire qu’il faut également recruter plus de membres du personnel enseignant », indique le conseil dans un échange de courriels avec #ONfr.

Manque de suppléants

La situation actuelle découlerait notamment, selon le président de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), Rémi Sabourin, des changements qui ont été apportés en 2015 au programme de formation des enseignants. La durée de la formation est passée d’un à deux ans.

« Ces changements ont été faits sans tenir compte de la réalité particulière des francophones. Le système anglophone n’a pas de pénurie d’enseignants, mais pour nous, ça a mis une grosse pression sur le système qu’il va être difficile d’inverser. Pour y remédier, les conseils scolaires ont dû puiser dans la banque de suppléants qualifiés. Aujourd’hui, il en manque et cela risque de se sentir dans les salles de classe. »

Rémi Sabourin, président de l’AEFO. (Crédit image : AEFO)

L’analyse de M. Sabourin est confirmée par le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO).

« L’année qui a suivi les changements dans la durée du programme de formation des enseignants a été une année difficile. Nous avons perdu une cohorte sur le marché du travail. Ça s’est surtout ressenti au niveau des suppléants auxquels on fait appel pour remplacer nos enseignants quand ils doivent s’absenter. On espère que c’est une tendance qui sera seulement temporaire », explique Édith Dumont, directrice de l’éducation du CEPEO.

Pour Mme Dumont, les problèmes de recrutement résident également dans les difficultés de transférer un enseignant d’un conseil scolaire à un autre, mais aussi d’accorder des permanences.

Baisse des effectifs dans les universités

Le nombre d’étudiants dans les programmes de formation des enseignants en français ne semble pas prêter à l’optimisme.

À l’université d’Ottawa, le nombre d’inscrits en première année de formation à l’enseignement est passé de 583 étudiants en 2014-2015 à 254 l’année suivante. Cette année, ils sont 353 inscrits en première année.

L’Université Laurentienne a elle aussi connu une baisse marquée de ses effectifs en 2015, avec seulement 55 inscrits contre 192 l’année précédente. Si les chiffres pour cette année ne sont pas encore disponibles, en 2016, ils étaient 113 étudiants en première année du programme d’éducation francophone.

« Avant, il fallait quatre à cinq ans pour devenir enseignant. Aujourd’hui, on parle de cinq à six  ans. Ça a pu décourager des étudiants », note M. Sabourin.

Quelles solutions?

Si Mme Bergeron juge que les conseils scolaires doivent travailler avec les universités pour promouvoir la profession d’enseignant, la directrice de l’éducation du CEPEO estime que le gouvernement provincial a lui aussi un rôle à jouer.

« Le gouvernement doit continuer à nous aider à garder nos enseignants avec des programmes comme le programme d’insertion professionnelle qui existe actuellement. »

Sans avancer de solutions concrètes pour aider les conseils scolaires francophones à faire face à ces difficultés de recrutement, la ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, s’est dite consciente du problème, en entrevue en direct sur Facebook avec #ONfr.

« Nous avons eu des discussions à ce sujet lors de la dernière conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, en juin dernier, à Ottawa », a-t-elle seulement précisé.

Une pénurie nationale

Car la pénurie d’enseignants francophones ne touche pas seulement l’Ontario, précise la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE).

« C’est une préoccupation pour toutes les communautés francophones en situation minoritaire. Avant, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick servaient de bassin d’enseignants de langue française pour les autres provinces, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec les nombreux départs à la retraite et le nombre grandissant d’enseignants qui, après quelques années, décident de changer de métier », explique la directrice par intérim des Services aux francophones pour la FCE, Sara Lafrance.

« Le problème de pénurie n’est pas nouveau, mais il s’est amplifié ces dernières années » – Sara Lafrance

Selon elle, le nombre croissant d’inscriptions dans les écoles de langue française, combiné aux exigences toujours plus importantes pour les enseignants, aggravent le phénomène.

En 2015, la FCE a mené une étude auprès des conseils scolaires de langue française en contexte minoritaire qui témoignaient de ces difficultés de recrutement. Désormais, l’organisme souhaite passer à une nouvelle étape.

« Nous avons déposé une demande de projet de recherche auprès de Patrimoine canadien pour trouver des solutions à ce problème et faire des recommandations. On parle souvent des défis d’enseigner en milieu minoritaire, mais rarement de solutions concrètes et c’est ce que nous voulons faire. »