Le salaire minimum à 15 $ inquiète les organismes franco-ontariens

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OTTAWA – L’annonce du gouvernement libéral de Kathleen Wynne d’augmenter le salaire minimum à 14 $ de l’heure le 1er janvier 2018, puis à 15 $ de l’heure, un an plus tard, inquiète les organismes francophones de l’Ontario qui craignent pour la survie de certains services.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Cette augmentation va toucher la moitié de notre personnel. On a déjà une pénurie, alors imaginez l’impact! Avec un salaire minimum à 15 $ de l’heure, ce sera difficile d’être concurrentiel », explique la directrice générale par intérim de La Clé d’la Baie, Sylvia Bernard.

L’organisme du comté de Simcoe, qui abrite des services en emploi et formation, en petite enfance, ainsi qu’une radio communautaire et des activités culturelles, compte actuellement 50 employés à temps plein, auxquels s’ajoute une vingtaine d’emplois étudiants pour les camps d’été.

« Nous avons fait des gains incroyables de services en français ces dernières années. Mais je crains que la hausse du salaire minimum ne vienne les menacer. Je vais devoir augmenter mes salaires et c’est ma clientèle qui va payer la facture. Certains risquent de se tourner vers les organismes anglophones qui ont une masse suffisante pour pouvoir absorber un peu mieux la hausse de salaire. »


« Certains petits organismes risquent de ne plus être viables financièrement. » – Sylvia Bernard, directrice générale de La Clé d’la Baie


La réalité décrite par Mme Bernard est la même que celle vécue par Nadia Martins, directrice générale de l’Association des francophones de la région de York (AFRY). L’AFRY emploie une dizaine de personnes et propose des services culturels, de garderie et des camps d’été.

« Nous sommes situés près de Toronto, dans une région où la vie est très chère. Tous nos employés, y compris les étudiants d’été, sont payés plus que le salaire minimum. Le problème, c’est qu’en augmentant celui-ci, nous allons devoir ajuster toute notre grille salariale si on veut rester compétitif. Ça va être très compliqué, car même si notre situation financière est assez bonne, grâce nos entreprises sociales, elle demeure fragile. »

À Ottawa, le MIFO dessert chaque année 33 000 utilisateurs en activités culturelles et récréatives, ainsi qu’en services pour les enfants et les aînés. L’organisme franco-ontarien, qui emploie quelque 300 personnes, estime que 54 % des employés de ses services à l’enfance et à la jeunesse seront directement touchés par les hausses dès le 1er janvier 2018.

« Le ministère de l’Éducation de l’Ontario a annoncé qu’un financement supplémentaire pour les services de garde est prévu pour pallier à cette hausse et maintenir des taux abordables pour les familles. Les coûts pour un bon nombre d’organismes francophones en situation minoritaire seront tout de même importants, car plusieurs d’entre eux n’offrent pas de services de garde et n’ont donc pas accès à ce financement », analyse la directrice générale, Marie-Claude Doucet, dans un échange de courriels avec #ONfr.

Double sentence

Déjà aux prises avec des difficultés financières depuis le gel de la Feuille de route pour les langues officielles, les organismes franco-ontariens espèrent que le futur plan d’action de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, sera accompagné d’une bonification, afin d’amortir les conséquences de cette hausse du salaire minimum.

« Je ne suis pas contre la hausse, mais je pense que le gouvernement devrait nous laisser plus de temps. Jusqu’ici, nous avons réussi à offrir toujours plus de services, bien que nos subventions n’aient pas augmenté, grâce à nos entreprises sociales. Mais celles-ci vont être affectées par la hausse, ce qui va menacer l’ensemble de nos activités », annonce la directrice générale de La Clé d’la Baie.

Son homologue à l’AFRY demande au gouvernement de développer un plan pour permettre aux organismes de rester compétitifs. Elle espère également que le gouvernement fédéral subventionnera les emplois d’été à la hauteur du nouveau salaire minimum ontarien.

« Nous devons éviter à tout prix d’augmenter les coûts des services offerts à la communauté », juge Mme Doucet.

La ministre Lalonde reste vague

Interrogée sur le sujet lors du congrès de l’AFO, le samedi 28 octobre, la ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, s’est contentée de défendre la promesse du gouvernement, sans préciser si un mécanisme viendra en aide aux organismes communautaires. De quoi inquiéter le président de l’AFO, Carol Jolin.

« Il y a des organismes qui risquent de devoir laisser aller du personnel ou de diminuer les services qu’ils offrent. Le nouveau fonds provincial pour les organismes francophones va permettre de compenser un peu cette perte, mais il faut aussi que le gouvernement fédéral tienne compte de cette réalité dans son futur plan d’action pour les langues officielles. »

Mme Doucet prévoit tous les scénarios, mais ne baisse pas les bras.

« Si nous devons arriver à une situation où le financement ne serait pas suffisant pour maintenir des services à un coût abordable, il est possible que nous devions faire face à une diminution des inscriptions qui pourrait se traduire en perte d’emplois éventuelle. Le MIFO sera très attentif (…) afin d’éviter qu’une telle situation se produise. »