La France courtise l’Ontario français

Des rapprochements sont bien visibles entre la France et l'Ontario depuis quelques temps Crédit image: montage #ONfr

Auparavant discrète, la France mène une campagne de séduction auprès de la communauté franco-ontarienne. Des efforts qui ne passent pas inaperçus et qui provoquent des retombées certaines dans le milieu de l’éducation en français, notamment.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Nouvelles ententes en éducation, échanges universitaires entre l’Ontario et la France, rencontres bilatérales, soirées de réseautage francophone, remises de prix à des Franco-Ontariens… la France laisse sa marque dans la communauté franco-ontarienne depuis quelque temps.

Plusieurs intervenants attribuent ce changement de ton au nouveau consul de France à Toronto, Marc Trouyet. Très présent dans les événements de la communauté, il multiplie également les rencontres en coulisse avec les acteurs franco-ontariens, notamment à sa résidence officielle.

« Au niveau diplomatique, le consul actuel est beaucoup plus proche de la communauté que tous ses prédécesseurs, ça c’est sûr. Avoir une meilleure relation avec la France a ses avantages », estime Lise-Marie Baudry, directrice du Centre francophone de Toronto, qui a rencontré le consul à plusieurs reprises depuis son entrée en fonction, en août 2015.

Même constat du côté de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). « On constate que les portes sont ouvertes et il y a plusieurs possibilités qu’on étudie avec eux. J’ai rencontré le consul. Il y a des bénéfices à prévoir pour les gens d’ici », souligne Carol Jolin.

Selon lui, l’Ontario et la France peuvent travailler ensemble pour stimuler l’immigration dans la province. « On a des secteurs où on a de grands besoins. Eux, ils ont des surplus. Donc, des gens peuvent venir chez nous et permettre à des Français d’avoir des emplois à temps plein chez nous », dit-il. Les Français peuvent obtenir une expertise supplémentaire ou une expérience internationale en venant au Canada, soit pour un temps, soit pour la vie, souligne-t-il.

Un consul présent sur le terrain

Rencontré par #ONfr à plusieurs reprises depuis le début de l’année, le consul de France à Toronto a admis qu’il était dorénavant essentiel pour la France d’être bien visible en Ontario.

« C’est vrai que la France mesure mieux les atouts, la richesse et la diversité de l’Ontario et on a plus de contacts et de liens avec cette communauté », a-t-il confié lors d’un événement franco-torontois plus tôt cette année. « Ça s’inscrit dans les priorités de l’ambassade elle-même. Notre ligne directrice, c’est la francophonie. Nous trouvons que c’est une force pour nous. Il y a une grande diversité d’expertise et on veut travailler avec eux dans tous les domaines, que ça soit politique, économique, scientifique ou universitaire », fait-il valoir.

« Je vois le rôle du consulat comme celui d’être un des acteurs de la francophonie locale », confie-t-il. Du même souffle, il admet qu’il reste du travail à faire. « Il y a un intérêt plus marqué des compatriotes français pour l’Ontario. Je le vois dans les visites des délégations d’affaires et institutionnelles. Mais l’Ontario est encore trop méconnue », souligne-t-il. L’entrée de l’Ontario dans l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) vient multiplier les opportunités et les occasions d’ententes bilatérales, affirme Marc Trouyet.

La France peut notamment contribuer à faire rayonner le français, selon le consul, qui évoque notamment les programmes de français langue seconde qui pourraient profiter de l’expertise française. « On voit que les accords entre les conseils scolaires ontariens et des académies en France permettent des échanges pédagogiques », dit-il.

Quelles retombées pour les ententes de 2014?

À quelques exceptions près, la France concentrait auparavant ses relations en éducation avec le Québec. Mais en 2014, le gouvernement ontarien a signé avec la France huit ententes de coopération en éducation donnant le ton à une nouvelle ère de coopération. L’ancienne ministre française de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, avait même fait le voyage pour l’occasion. Trois ans plus tard, quelles sont les retombées?

Elles sont nombreuses, jure le gouvernement ontarien. Des échanges ont notamment eu lieu entre des intervenants actifs dans l’éducation à la petite enfance et avec les enfants en difficulté, fait-on savoir. Le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) a aussi signé une entente avec l’Académie de Besançon pour mener conjointement des projets pédagogiques, des jumelages entre écoles et encourager la mobilité des élèves et du personnel. Des acteurs de l’éducation franco-ontariens ont aussi effectué des visites en sol français pour apprendre de leurs méthodes.

Le gouvernement ontarien cite également les travaux du consortium Avantage Ontario, qui fait la promotion des universités et collèges qui offrent des cours et programmes en français, comme l’un des bénéficiaires de l’entente. Une cinquantaine d’ententes de collaboration aurait été signé depuis 2014 entre les membres d’Avantage Ontario et des institutions en France.

Dernière en date, la signature d’une entente entre le Collège Glendon et l’école de commerce de Lyon pour permettre aux étudiants des deux institutions d’effectuer des échanges et de multiplier les lieux de stages où ils peuvent évoluer. Une entente qui tombe à point, alors que la France et Glendon marqueront, la semaine prochaine, cinquante ans de collaboration.

Attirer les étudiants franco-ontariens en France

L’an dernier, le Réseau des professeurs francophones dans les universités ontariennes a vu le jour. Encore une fois, ça s’est fait sous l’impulsion de la France. « On s’est aperçu que les professeurs francophones en Ontario ne se connaissent pas entre eux. On veut qu’ils se rencontrent… et la France veut aussi les rencontrer pour travailler avec eux et faire de la coopération avec la France », a expliqué Peggy Harvey, chargée de mission pour les échanges universitaires au Consulat de France à Toronto, lors d’un événement du Réseau en début d’année.

Les motivations de la France sont diverses, mais on vise notamment à encourager les Canadiens à aller étudier en France, ce qui provoque son lot de retombées économiques. « Il n’y a pas assez de Canadiens qui partent à l’étranger. Seulement 2,7 % des étudiants canadiens partent à l’étranger (…) Le réseau, c’est aussi notre porte d’entrée dans les universités. On veut que les professeurs motivent leurs étudiants à venir étudier en France », explique-t-elle.