La centrale nucléaire de Bruce sera retapée

Bob Chiarelli, ministre de l'Infrastructure de l'Ontario. Archives, #ONfr

TORONTO – Le fournisseur d’électricité Bruce Power prévoit investir 13 milliards $ sur une quinzaine d’années à partir de 2020 pour retaper six des huit réacteurs nucléaires à la centrale de Tiverton, qui alimente près du tiers de l’Ontario.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Les travaux devraient prolonger la vie du site dans la péninsule de Bruce, sur le lac Huron, jusque dans les années 2060.

« Notre entente renouvelée avec Bruce Power nous assure de 6300 mégawatts d’électricité non polluante et à un faible coût », a déclaré Bob Chiarelli, ministre de l’Énergie, lors du point de presse à Queen’s Park, jeudi 3 décembre. « Ces mesures permettront d’économiser la somme de 1,7 milliard $ en électricité. »

Bruce Power, qui administre le site de Tiverton, devrait assumer la totalité des coûts de la remise à niveau de six de ses huit réacteurs CANDU. L’entreprise écoperait également « sans ambiguïté » de toutes factures additionnelles, qui sont très fréquentes lorsqu’il est question de projets nucléaires.

« Les risques vont demeurer du côté de Bruce Power », a insisté Bruce Campbell, président et chef de la direction de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de l’Ontario.

La SIERE aurait aussi négocié avec Bruce Power des « clauses de sortie » qui pourront être activées si les travaux ne remplissent pas les exigences de la province, par exemple. « Ça ne voudrait pas dire que nous cesserions d’utiliser le site de Bruce, ça voudrait seulement dire que nous cesserions les travaux de mise à niveau », a précisé Milt Caplan, négociateur de l’entente.

Moins dispendieux

Il serait toujours moins dispendieux de prolonger la vie d’une centrale nucléaire existante que d’en bâtir une nouvelle, selon M. Campbell. Le prix de l’électricité produite au site de Bruce, bâti dans les années 1970 et 1980, reviendrait après les travaux à 77$ le mégawattheure, contre 66$ à l’heure actuelle. Le coût moyen d’un mégawattheure dans la province, toutes sources d’énergies confondues, est 83$.

La centrale de Bruce a une capacité de production de 6300 mégawatts. C’est assez d’électricité pour alimenter deux fois la Ville de Toronto.

La rénovation de six réacteurs CANDU à Tiverton devrait coïncider avec la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Pickering, près de Toronto, et la rénovation de la centrale nucléaire de Darlington. La quinzaine de centrales au gaz de la province, qui sont présentement sous-utilisées, devraient alors prendre le relais. Les énergies vertes, comme l’éolien et le solaire, qui comptent pour 9% de la production d’électricité, pourraient quant à elles revendiquer 17% du marché d’ici 2025.

Le ministre Bob Chiarelli doit faire une annonce au sujet de la centrale de Darlington au cours des prochaines semaines. On s’attend à ce que la rénovation du site dans la région de Durham frise aussi les 13 milliards $.

Trop d’électricité?

L’annonce de la rénovation de la centrale nucléaire de Bruce est tombée au lendemain du dépôt d’un rapport de la Vérificatrice générale de l’Ontario qui critique justement le gouvernement libéral de la province pour sa gestion du secteur de l’énergie. Deux plans stratégiques et près d’une centaine d’orientations ministérielles mal avisés auraient déjà coûté « des milliards de dollars » aux consommateurs d’électricité, selon la surveillante des comptes publics Bonne Lysyk.

« On parle ici d’une bonne source d’énergie propre et abordable », a fait valoir le progressiste-conservateur John Yakabuski, de la région de Renfrew. « Je suis content d’apprendre que le gouvernement ne sera pas impliqué de près dans ce projet de remise à niveau, parce que tout ce que ce gouvernement a fait dans le secteur de l’énergie a mal tourné », a-t-il ironisé.

L’opposition néo-démocrate à Queen’s Park aimerait, pour sa part, que la Commission de l’énergie de l’Ontario (CÉO) jette un coup d’œil au projet de rénovation de la centrale de Bruce avant que le gouvernement y donne son aval.

« Il nous faut une audience de la CÉO pour savoir si nous avons vraiment besoin de cette électricité, si ce projet est le meilleur pour fournir de l’électricité aux Ontariens et si c’est un bon projet dans son ensemble », a réclamé le néo-démocrate Peter Tabuns. « Est-ce que c’est le meilleur projet? Ça reste à voir… »

L’Ontario produit présentement un surplus d’électricité que la province vend souvent à perte aux juridictions voisines. Mais les grands projets d’électrification de l’économie de la province, notamment les transports publics, pourraient éventuellement rentabiliser cette production excédentaire d’électricité, selon Bruce Campbell de la SIERE.

« Ce projet est un cauchemar pour l’Ontario », a fustigé à son tour le chef des verts, Mike Shreiner, à #ONfr. « Nous parlons ici d’une source d’énergie qui n’a jamais vu un seul projet livré à temps et au coût promis. Les risques sont très élevés et nous n’avons aucun plan pour gérer les déchets nucléaires. »