Insécurité linguistique : des élèves francophones inquiets

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OTTAWA – Des réprimandes sur la qualité du français, parfois des punitions comme copier le dictionnaire… Des témoignages d’élèves de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) mettent en lumière « l’insécurité linguistique » régnant dans les établissements francophones.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Dans un rapport d’une quinzaine de pages dévoilé, jeudi 3 décembre, à la suite d’une grande consultation, l’organisme porte-parole des 25 000 élèves des écoles secondaires francophones en Ontario dénonce l’idéalisation de la « langue standard ». Comprendre selon la FESFO, « la langue que l’on enseigne à l’école, celle de la classe dominante, et des autres communautés où l’on parle un français pur ».

L’insécurité linguistique prendrait elle-même sa source, lorsqu’un élève prend conscience que la façon dont il parle diffère de cette langue standard. Une situation qui entraînerait une « intimidation linguistique » : des commentaires parfois blessants sur la façon de s’exprimer sur un terrain de jeu, dans la rue, au centre commercial, dans le cadre familial, mais aussi… dans les corridors des écoles.

« Lorsque nous sommes en classe, les élèves parlons ce français standard, mais dans les couloirs, il nous arrive de parler effectivement de manière plus familière », constate le président de la FESFO, Jérémie Spadafora, en entrevue pour #ONfr. « En dehors des classes, on utilise parfois des formulations anglaises, ou encore on met des prépositions à la fin des phrases. Les enseignants ou les autres élèves peuvent alors nous reprendre pour la qualité de notre français. »

Et d’ajouter : « Lorsqu’on nous reprend quatre à cinq fois dans une conversation pour notre français, c’est de l’intimidation (…) Tout le monde a un accent, et tout français est bon. »

Symbole de ce français standard aux yeux de certains témoignages d’élèves : les Québécois particulièrement cités dans le rapport. « On remarque également une friction entre Franco-Ontariens et Québécois, où les premiers semblent considérer que les deuxièmes ne comprennent pas leur réalité », est-il mentionné dans le document.

En février prochain, 17 journées de formation gratuites portant sur l’expression orale et la sécurité linguistique seront données par la FESFO à travers toute la province. Des pistes de solution sont déjà à l’ordre du jour, comme des campagnes de sensibilisation, ou encore la participation des élèves aux activités de la FESFO.

Anglais parlé par les enseignants

Cette vaste consultation effectuée auprès de 295 jeunes à travers la province durant le mois de novembre a été découpée en quatre régions : Nord, Centre, Est, et enfin Sud et Grand-Toronto. Et les répondants de cette dernière région offrent un panorama plutôt surprenant de la diffusion de l’anglais dans les couloirs. Une diffusion qui ne proviendrait pas uniquement des élèves.

« Dans la région du Sud et du Grand-Toronto, les enseignants parlent majoritairement en français, mais quelque uns vont s’adresser aux jeunes en anglais. Certains enseignants vont forcer les jeunes à parler en français, d’autres se désintéressent du fait français et ne font pas d’efforts pour encourager l’usage de la langue », affirment certains témoignages d’élèves rapportés dans le document.

Un constat semblable dans la région de l’Est : « Certains élèves soulignent que leurs enseignants parlent entre eux ou directement aux jeunes en anglais. »