Immigration : les commissaires linguistiques mettent la pression

Le drapeau franco-ontarien.Archives ONFR+

TORONTO – Trop peu d’immigrants francophones s’installent dans les régions du Canada où le français est la langue de la minorité, estiment trois des commissaires linguistiques au pays.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Il faudrait, croit-on, plus du double de nouveaux arrivants d’expression française dans les neuf provinces et les trois territoires à majorité anglophone pour que les communautés francophones et acadiennes qui y vivent puissent en bénéficier.

« L’immigration est essentielle pour la vitalité, voire l’avenir des communautés de langue officielle en situation minoritaire », a déclaré Graham Fraser, commissaire aux langues officielles du Canada, dans un communiqué conjoint avec ses homologues du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, le jeudi 30 octobre.

L’Atlantique, l’Ontario, l’Ouest et le Nord attireraient environ 2 % d’immigration francophone alors que, selon M. Fraser, ces régions devraient attirer une proportion d’immigrants égale ou supérieure au poids démographique de leurs communautés de langue française, qui est d’environ 4 % de la population canadienne.

 

Situation préoccupante

La situation serait préoccupante aux yeux de Graham Fraser et de ses collègues Katherine d’Entremont, du Nouveau-Brunswick, et François Boileau, de l’Ontario.

Les trois commissaires linguistiques pressent donc le gouvernement du Canada d’articuler son système d’immigration « en fonction des objectifs spécifiques des gouvernements provinciaux et territoriaux en ce qui touche la sélection, le recrutement, l’intégration et la rétention d’immigrants francophones ».

« Nous en sommes arrivés à un point critique », a signalé M. Fraser. « Nous ne sommes qu’à quelques mois d’une des plus importantes refontes du système d’immigration de notre histoire. Nous avons présentement la possibilité de transformer l’immigration en une force véritablement positive pour les communautés francophones ».

 

Collaboration nécessaire

Des objectifs d’immigration francophone ont été fixés mais, dans l’absence d’une bonne collaboration entre le fédéral et les provinces, les résultats se font attendre, de l’avis des commissaires.

Une « collaboration avec le gouvernement fédéral » serait nécessaire pour que l’Ontario atteigne sa cible de 5 % d’immigration francophone « et répondre à la fois aux besoins et priorités des nouveaux arrivants francophones », selon François Boileau, commissaire aux services en français à Queen’s Park.

« L’immigration est une juridiction partagée. Pour maintenir le poids démographique des francophones du Nouveau-Brunswick à 33 %, il est impératif que les gouvernements fédéral et provincial adoptent une approche concertée à long terme », a ajouté Katherine d’Entremont, commissaire aux langues officielles à Fredericton.

Le fédéral a dit, pour sa part, vouloir mettre l’accent sur l’immigration économique, c’est-à-dire le recrutement d’immigrants qui possèdent des compétences recherchées au pays. Or, du même souffle, Ottawa a mis fin récemment au programme Avantage significatif francophone (ASF), dont le mandat était justement de faciliter l’arrivée d’immigrants francophones qualifiés dans les régions où le français est minoritaire.

L’absence d’une solution de rechange immédiate au programme ASF et, surtout, l’absence de consultation avec la minorité inquiètent la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

« Les trois commissaires disent clairement qu’au niveau des pourcentages, nos communautés demeurent les grandes perdantes sur le plan de l’immigration », a souligné Marie-France Kenny, présidente de la FCFA. « Alors que nous sommes à quelques mois d’une refonte majeure du système d’immigration au Canada, nous n’avons pas été consultés sur les nouveaux mécanismes qui seront mis en place et il n’y a plus aucune mesure spécifique pour appuyer nos communautés ».