Fonction publique : les langues officielles comme priorité

Le nouveau président de la Commission de la fonction publique, le Franco-Ontarien, Patrick Borbey. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – Président de la Commission de la fonction publique (CFP) depuis quelques semaines, Patrick Borbey se dit inquiet pour l’avenir du bilinguisme dans la fonction publique fédérale et promet d’en faire une de ses priorités.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Comme le rapportait #ONfr, il n’est pas toujours facile pour les fonctionnaires fédéraux francophones de travailler dans leur langue maternelle. Entré en poste le 17 mai dernier, le nouveau président de la CFP en sait quelque chose, lui qui a rejoint la fonction publique il y a 35 ans.

« Je suis un peu inquiet quant à la capacité de maintenir le bilinguisme dans la fonction publique. Il y a eu des progrès par rapport à quand j’ai commencé dans les années 80, avec de plus en plus de postes bilingues et de gens qui répondent aux exigences linguistiques minimales de ces postes, mais on sent un certain essoufflement. »

À la tête de la CFP, dont le mandat est de préserver l’intégrité du personnel au sein de la fonction publique, ainsi que l’impartialité politique des fonctionnaires et de gérer les outils de recrutement, M. Borbey rapporte avoir souvent entendu des fonctionnaires expliquer qu’ils ne se sentent pas à l’aise d’écrire leurs documents ou leurs notes dans leur langue maternelle, ni de l’utiliser pendant les réunions. Et selon lui, si ce problème touche surtout les francophones, il existe aussi chez les anglo-québécois.

« C’est une responsabilité qui incombe aux anglophones et aux francophones. Tout le monde doit faire preuve de leadership, particulièrement mes collègues francophones qui hésitent à utiliser le français dans des discussions importantes. (…) En n’utilisant pas le français de façon régulière, on appauvrit cette langue dans la fonction publique et on finit par ne plus savoir comment dire certains termes et certains acronymes. On les dit en anglais et on finit toujours par utiliser cette langue. Pour moi, c’est un gros enjeu », expliquait-il lors de sa comparution devant le comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, le 11 avril.

Certains ministères, assure-t-il, font figure d’exemples, comme Patrimoine canadien, où M. Borbey a été sous-ministre pendant près de trois ans. Mais d’autres sont encore à la traîne. Et ce, alors que la fonction publique fédérale doit composer avec une nouvelle réalité.

« Nous sommes connectés dans tout le pays et avons de plus en plus de réunions avec des gens de partout au Canada. Cela crée un nouveau défi pour s’assurer que chacun puisse participer dans la langue de son choix. »

Le bilinguisme réceptif, une solution

Au même titre que le renouvellement de la fonction publique, son ouverture à la diversité et la rétention des fonctionnaires fédéraux, M. Borbey fait des langues officielles une des priorités de son mandat de sept ans.

« Je suis Franco-Ontarien et pour moi, le respect de nos deux langues officielles et l’engagement de servir les Canadiennes et les Canadiens dans la langue de leur choix sont deux des valeurs fondamentales de la fonction publique », insiste le diplômé de l’Université d’Ottawa, originaire d’Elliot Lake.

Même s’il reconnait que les défis sont nombreux, il avance plusieurs pistes pour améliorer la situation.

« Il existe déjà certaines bonnes pratiques qui peuvent être partagées et employées partout. Il y a aussi une question de leadership des sous-ministres, des sous-ministres adjoints et des gestionnaires… Mais je pense aussi qu’une piste qui n’a pas beaucoup été explorée dans la fonction publique, c’est celle du bilinguisme réceptif, c’est-à-dire la capacité de participer et de comprendre dans les réunions, quelle que soit la langue utilisée, tout en pouvant s’exprimer dans celle de son choix. »

Un enjeu dès le départ

Les départs de plusieurs baby-boomers dans les prochaines années vont aussi fournir des occasions de changer les pratiques, pense M. Borbey.

« Quand un nouveau fonctionnaire arrive, on lui parle de développement personnel, on l’encourage à suivre des formation additionnelles… Pourquoi ne parle-t-on pas systématiquement des capacités linguistiques? Ça se fait dans certains ministères mais je pense que partout, on devrait aborder cet enjeu dès le départ. »

S’il rappelle que la majorité des postes de la fonction publique fédérale ne sont pas bilingues, surtout lorsqu’on sort de la région de la capitale nationale, il reconnaît que pour devenir gestionnaire ou avancer dans sa carrière, le bilinguisme demeure souvent un facteur important.

Raison pour laquelle, la question linguistique doit être, selon lui, abordée dès l’arrivée de nouveaux employés dans le secteur public fédéral.

« C’est d’autant plus facile pour quelqu’un qui vient d’arriver et qui a dans les 25 ans, que pour une personne qui est là depuis plusieurs années et avec laquelle on ne parle de cet aspect que lorsqu’il s’agit de lui proposer un poste de gestionnaire. »

Ancien sous-ministre adjoint à Santé Canada, au Bureau du Conseil privé, et à l’ancien ministère Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, entre 2001 et 2011, M. Borbey se fixe un objectif ambitieux.

« Ce que je veux, c’est qu’il soit encore possible, dans 15, 20 ou 30 ans, de recevoir un service ou de travailler dans la langue officielle de son choix dans la fonction publique fédérale! »