Espoir de changement pour les minorités francophones du Canada

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OTTAWA – De Victoria à St-Jean de Terre-Neuve, les francophones sont unanimes : l’élection du 19 octobre prochain doit apporter un vent de changement dans les provinces en situation minoritaire.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

C’est en tout cas le constat d’#ONfr qui a réalisé des entrevues avec les neufs représentants des associations porte-paroles des francophones dans les provinces hors Québec.

Si tous les organismes disent accorder leurs opinions avec l’association mère, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), quelques-uns demeurent prudents lorsqu’il faut juger les réalisations de Stephen Harper. « Nous sommes non-partisans », rappelle le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt.

Certains n’hésitent pourtant pas à brocarder le bilan du gouvernement conservateur. À commencer par le président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Jean Johnson. « Sur beaucoup de sujets, le gouvernement est devenu sans cœur. C’est une risée (…) Ils s’en foutent (de la francophonie) comme de l’an 40. »

Le son de cloche est quelque peu le même du côté du Nouveau-Brunswick, pourtant unique province officiellement bilingue du Canada. « Les relations sont malsaines depuis dix ans et ça empêche plusieurs dossiers d’avancer », avance Bruno Godin de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).

 

Immigration

Et les dossiers cités par M. Godin sont nombreux pour les francophones. Parmi eux : l’immigration. « On croit qu’en matière d’immigration, notamment, il pourrait y avoir une meilleure collaboration entre le fédéral et le Nouveau-Brunswick », poursuit le responsable. « Cela permettrait d’atteindre plus rapidement l’objectif de 33 % d’immigration francophone dans notre province. »

Le Nouveau-Brunswick est très loin de ses objectifs en matière d’accueil des nouveaux arrivants. La proportion d’immigration francophone sur 2006-2011 n’est que de 7,69 %. Un chiffre certes anormalement bas, mais qui demeure le plus élevé des neuf autres provinces en situation minoritaire.

Sur la même période, la moyenne fédérale d’immigration francophone reste de 1,46 %. Les résultats sont tout aussi moribonds pour les Prairies : le Manitoba affiche 1,12 %, la Saskatchewan (0,89 %), et l’Alberta (1,21 %). La Colombie-Britannique de son côté pointe à 0,77 %.

« Les mesures en place ne fonctionnent pas », déplore Francis Potié, directeur général de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF). « On donne un grand pouvoir aux employeurs. Si ton critère principal est la qualification et que la langue française n’est pas prise en compte, alors en Saskatchewan les employeurs vont faire venir des anglophones. »

Du côté du Manitoba, on attend aussi un geste de la part des candidats. « On espère que les partis vont se prononcer sur l’immigration », lâche à cet effet Daniel Boucher de la Société franco-manitobaine (SFM).

Mais l’immigration peut-elle permettre à elle seule le rayonnement de la francophonie? Pas certain, répond-t-on à Vancouver. « Nous sommes le quatrième bassin de population francophone hors Québec. Pourtant, notre communauté francophone n’est pas visible et trop éparpillée », concède Robert Rothon, directeur de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB).

 

Loi sur les langues officielles

Hasard du calendrier, le mandat du futur gouvernement s’achèvera en 2019, date du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Et plus de quatre décennies plus tard, les entorses au contenu de la loi se multiplient, si l’on en croit les associations.

« Il faut s’assurer que la bureaucratie fédérale soit bilingue. Il y a encore des manques », souligne Denis Vaillancourt. « Je pense par exemple aux agents de douane à Toronto ou Cornwall lesquels servent souvent les résidents uniquement en anglais. »

Aubrey Cormier, directeur général de la Société Saint-Thomas-d’Aquin (SSTA), va même plus loin : « Il y a un recul sur le respect de la loi depuis plusieurs mois. On le voit avec les coupures à Radio-Canada ou encore les officiers du Parlement qui ne sont pas bilingues. Il y a conséquences pour nos communautés, car cela représente l’effritement des valeurs canadiennes. »

M. Godin du Nouveau-Brunswick enfonce le clou : « C’est la loi la moins bien respectée au niveau national. Il y a un tas de trous. Même les ministères ne la respectent pas. On veut que le bureau du premier ministre soit responsable de son application et respecte ses engagements à l’endroit des minorités linguistiques. »

 

Feuille de route

Autre sujet de colère pour les associations francophones : le dossier de la Feuille de route. Avec une stratégie quinquennale de 1,1 milliard $ pour les communautés linguistiques en situation minoritaire, l’enveloppe de la Feuille de route reste identique depuis une dizaine d’années.

Destinée à financer l’éducation, l’immigration et les communautés en milieu minoritaire, cette somme inchangée compilée à l’inflation apparaît donc un frein pour les communautés francophones. Dépendantes en partie de cet argent, un bon nombre d’associations francophones sont contraintes de fermer leurs portes.

« On veut le maintien de la Feuille de route, mais il faut changer la dynamique. Il est évident qu’il n’y a pas eu une augmentation du financement », peste M. Boucher de la Saskatchewan. « Dix ans sans augmentation, c’est un mirage », affirme-t-on du côté de l’Île-du-Prince-Édouard. La solution bien souvent? De nouvelles sources de financements, bien souvent difficiles à obtenir.

Certains dénoncent aussi le « manque de clarté » de l’argent distribué. Sur le terrain, beaucoup d’associations francophones perdraient même la capacité de donner les services, et ce bien souvent au profit d’un groupe neutre désigné par le gouvernement fédéral.

« Ce qui compte au final, c’est que les gens soient informés », conclut le président de la  Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Ghislain Boudreau.