Elliot Lake : incompétence et négligence au banc des accusés

TORONTO – Une commission d’enquête qui s’est penchée sur l’effondrement mortel d’une partie du toit d’un centre commercial à Elliot Lake, en 2012, jette le blâme sur l’incompétence et la négligence de « bon nombre de personnes qui, de par leurs responsabilités ou occupation, étaient impliquées » dans l’édifice.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le juge Paul R. Bélanger, à la tête de la commission, affirme que les concepteurs, constructeurs et les différents propriétaires du centre commercial Algo, ainsi que certains architectes et ingénieurs et des fonctionnaires municipaux et provinciaux « dont le devoir était de protéger le public » ont failli à leurs tâches dans « diverses formes, s’étalant entre apathie, négligence et indifférence, par la médiocrité, l’inaptitude ou l’incompétence, jusqu’à l’avarice pure et simple, l’obscurcissement et la duplicité ».

Selon le rapport d’enquête sur Elliot Lake, plusieurs personnes étaient au courant des problèmes d’infiltration d’eau et de corrosion qui ont miné la structure du centre Algo dès sa construction, en 1979, et qui ont finalement mené à la défaillance d’une poutre de soutènement du toit de l’édifice.

« Assez, ce bâtiment va céder »

L’effondrement partiel du toit du centre Algo, qui servait également de stationnement à l’édifice, a coûté la vie à deux personnes et fait près d’une vingtaine de blessés, le 23 juin 2012.

La tragédie a ébranlé la petite communauté de 11 000 habitants à mi-chemin entre Sudbury et Sault-Ste-Marie, dans le nord de l’Ontario.

La commission Bélanger blâme sévèrement les trois propriétaires successifs de l’édifice qui, selon elle, étaient « confrontés aux avertissements les plus clairs » mais « se sont débarrassés ou ont tenté de se débarrasser du problème en le vendant plutôt que de le réparer ».

« Il est difficile de ne pas conclure que si l’un ou l’autre des propriétaires, des ingénieurs et des agents impliqués au centre commercial (…) avait dit : ‘Assez, ce bâtiment va céder s’il n’est pas bien réparé’, deux vies n’auraient pas été gratuitement et tragiquement perdues », fustige le juge Paul Bélanger dans son rapport d’enquête, déposé le mercredi 15 octobre.

Le centre Algo a été complètement démoli après la tragédie de 2012.

Recommandations

Pour éviter qu’un tel drame se reproduise, la commission d’enquête sur Elliot Lake recommande, entre autres, que tous les bâtiments semblables au centre Algo soient soumis à des normes minimales d’entretien et qu’ils soient inspectés par des ingénieurs dûment qualifiés.

Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne dit avoir déjà bonifié la formation et les renseignements à l’attention des inspecteurs de la santé et de la sécurité au travail et des ingénieurs.

« Ce n’était qu’un début », a déclaré Madeleine Meilleur, Procureure générale de l’Ontario, lors de son passage à Elliot Lake pour prendre connaissance des conclusions de l’enquête, le 15 octobre. « D’autres (recommandations) nécessiteront des consultations, une collaboration interministérielle et une coopération avec nos partenaires municipaux, l’industrie, les organismes partenaires et les groupes professionnels ».

La commission Bélanger, qui a entendu plus de 120 témoins, n’avait pas le mandat de tenir des individus criminellement responsables de l’effondrement du 23 juin 2012.

La Police provinciale de l’Ontario (PPO) mène aussi sa propre enquête et a déjà déposé des accusations de négligence criminelle ayant causé la mort contre Robert Wood. Cet ex-ingénieur, aujourd’hui déchu, est la dernière personne à avoir inspecté le centre Algo avant qu’une partie de sa toiture ne s’affaisse. Il aurait caché des éléments négatifs de son inspection sous la pression de Robert Nazarian, le dernier propriétaire des lieux.

« Aller de l’avant »

« Le rapport d’aujourd’hui présente aux résidents d’Elliot Lake l’historique complet du centre commercial et la possibilité d’aller de l’avant après les événements tragiques du 23 juin 2012 », a déclaré le maire de l’endroit, Rick Hamilton, dans un communiqué. « À l’avenir, nous espérons que les recommandations de la commission et les annonces (de la province) entraîneront des changements positifs pour les municipalités de l’Ontario ».

Les organisations des ingénieurs et des professionnels du bâtiment de l’Ontario ont, elles aussi, salué les recommandations de la commission d’enquête sur Elliot Lake.