Des plaintes aux services en français « regroupées » à la Ville d’Ottawa

23 plaintes pour les services en français ont été comptabilisées par la Ville d'Ottawa en 2016.

OTTAWA – Seulement 23 plaintes déposées à la Direction des services en français (DSF) en 2016, les chiffres sont pour le moins réjouissants pour la Ville d’Ottawa. Mais plusieurs citoyens francophones regrettent que leurs plaintes soient « regroupées » en une seule.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Anne Levesque est de ceux-là. Cette avocate francophone n’a pas eu que des bonnes surprises en déposant deux plaintes à la DSF, le mois dernier. L’une car son enfant a été inscrit à un cours de T-Ball en français au Centre communautaire Côte-de-Sable… un cours qui a finalement été donné, un jour, en même temps que le groupe anglophone.

Seconde plainte : sa fille inscrite à un cours de danse en français, toujours au Centre communautaire Côte-de-Sable, a reçu son cours dans les deux langues, car l’un des enfants ne parlait pas français. « Le même niveau d’accommodement n’est pas démontré envers les francophones dans les cours en anglais », regrette Mme Levesque.

Le courriel de réponse de la Ville d’Ottawa, dont #ONfr a obtenu copie, est limpide : « Par la présente, nous accusons réception de vos plaintes au sujet de deux différents cours offerts au Centre communautaire Côte-de-Sable. Puisque ces plaintes traitent du même centre communautaire et qu’il s’agisse, dans les deux cas, de cours offerts en français où certaines consignes ont été offertes en anglais, nous allons les regrouper en une seule plainte. »

Mme Levesque a écrit par la suite à la Ville pour que ses plaintes soient traitées séparément. « Le fait qu’il n’y ait pas un grand nombre de plaintes au sujet des services en français est souvent cité comme indicateur qu’il n’y a pas de problème dans les services en français à la Ville », mentionne-t-elle dans son courriel du 1er juin 2017, sans obtenir encore de réponses.

L’exemple n’est pas isolé. Un plaignant, voulant rester anonyme, raconte aussi avoir été mis au courant que ses plaintes étaient fusionnées. Les chiffres de 23 plaintes dévoilés par la DSF sont donc pour lui douteux. « Ça donne un portrait faussé de la situation. »

 

Réponse de la Ville d’Ottawa

Jointe par #ONfr, la Ville d’Ottawa a bel et bien confirmé la pratique du regroupement des plaintes, mais avec une petite nuance : ce procédé n’a pas été utilisé en 2016.

« Lorsqu’une même personne soumet plusieurs plaintes concernant le même établissement ou programme/service et que celles-ci découlent du même événement ou de la même série de transactions dans un court laps de temps, la Direction des services en français peut les regrouper et les traiter comme une seule et unique plainte. Si nous recevons des plaintes de plusieurs personnes sur le même sujet, nous comptabilisons toujours ces plaintes individuellement », a fait part la gestionnaire des services en français, Michelle Rochette, dans un échange de courriels avec #ONfr.

Et de poursuivre : « En 2016, aucune plainte n’a été regroupée; les plaintes ont toutes été comptabilisées individuellement. Il nous arrive parfois de fournir une réponse globale à plusieurs plaintes d’un même plaignant par souci d’efficacité administrative, mais cela ne signifie pas que les plaintes ont été regroupées. »

Vérification faite, les plaintes de Mme Levesque et du plaignant anonyme ont bien été déposées en 2017.

 

Un comptage des plaintes qui provoque le doute

Mais la Ville d’Ottawa devra sans doute s’expliquer davantage sur ce comptage des plaintes, tant la baisse de 72 % par rapport à 2015 étonne. C’est en tout cas l’avis de Linda Cardinal« Je mets en doute la manière dont les plaintes sont comptabilisées, ce n’est pas clair. »

Pour la professeure titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université d’Ottawa, « on ne pas fonder le succès d’une politique à la Ville d’Ottawa sur le nombre de plaintes ».

Rappelons qu’après l’annonce du pic de plaintes établi en 2014 (119), la DSF avait attribué cette hausse non pas à un plus grand mécontentement de la population francophone d’Ottawa mais à un accès plus facile au formulaire de plainte.