Des nouveaux visages francophones aux Communes

Une délégation de Franco-Ontariens participe au Parlement francophone des jeunes des Amériques. Crédit photo: Rym Ben Berrah

OTTAWA – La campagne a été longue pour les candidats et leurs équipes. Pendant 78 jours, le défi pour certains a été de se faire connaître et de gagner la confiance des électeurs. Certains ont réussi à convaincre et à se faire élire pour la première fois. C’est notamment le cas de plusieurs députés libéraux francophones en milieu minoritaire qui vont vivre leur toute première expérience en politique fédérale.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Dans Nickel Belt, l’homme d’affaires Marc G. Serré n’a pas rencontré ce problème. Il bénéficiait d’un nom déjà connu dans la communauté puisque son oncle, Benoît, et son père, Gaëtan, qui fut député sous Pierre-Elliott Trudeau, ont tous deux été élus par le passé.

« Ce n’était pas facile car le député néo-démocrate Claude Gravelle avait beaucoup d’expérience. Mais la nouvelle vision apportée par Justin Trudeau m’a convaincu que c’était le bon moment de me lancer en politique. »

Le nouvel élu de Nickel Belt compte profiter de la victoire des libéraux Paul Lefebvre, à Sudbury, et Anthony Rota, dans Nipissing–Timiskaming, pour développer un caucus libéral des députés du nord de l’Ontario afin de défendre les intérêts de cette région.

À Sudbury, le fiscaliste, Paul Lefebvre avoue avoir hâte de siéger. Toutefois, le fondateur du Festival de Jazz de Sudbury, musicien aux nombreux engagements communautaires, a d’abord un dossier important à régler en tant que propriétaire du journal francophone, Le Voyageur, et de la radio, Le Loup FM. « Je suis en discussions mais je veux prendre le temps de trouver des personnes de confiance. Ce que je peux assurer, c’est que cela ne mettra pas en péril l’avenir du journal. Je vais mettre mes actions en fiducie car je veux pouvoir parler sans soupçon de conflit d’intérêt. Ça a toujours été clair dans mon esprit. »

La transparence et l’imputabilité sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche des nouveaux députés. Issu d’une famille de politiciens, le libéral Francis Drouin en connaît la valeur, lui qui a réussi à reprendre, dans l’Est ontarien, une circonscription qui avait tourné le dos au Parti libéral du Canada (PLC) après le scandale des commandites. « Je pense que la page est tournée, mais il ne faudra jamais rien prendre pour acquis et s’assurer de toujours être transparent. »

Les trois députés attribuent leur victoire en partie à « l’effet Trudeau » et à la marée rouge qui a déferlé sur le pays, notamment dans l’est du Canada. Peu expérimentés à l’échelle fédérale, ils n’espéraient aucune responsabilité au sein du gouvernement, répétant simplement « vouloir être utiles ».

« Si je n’ai rien apporté à l’issue de mon mandat, alors je ferais autre chose », assure toutefois M. Lefebvre.

Des alliés pour la francophonie canadienne?

En tant que Franco-Ontariens, ils se savent attendus sur la question des langues officielles et la défense des communautés francophones en milieu minoritaire.

« J’ai la chance d’avoir le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) dans ma circonscription (Denis Vaillancourt vit à Rockland, ndlr), je vais pouvoir le rencontrer régulièrement », sourit M. Drouin. « Nous devons présenter un plan pour nos communautés francophones et la Feuille de route pour les langues officielles doit évoluer car elle ne répond plus aux besoins des organismes. Il va également être important de rapidement passer une loi pour que les juges à la Cour suprême soient obligatoirement bilingues. »

Pour M. Serré, les langues officielles ont été beaucoup trop négligées lors des dix dernières années. L’élu de Nickel Belt souhaite donc des gestes forts de son gouvernement.

« Nous devons assumer un rôle de leadership dans ce dossier, notamment pour faire d’Ottawa, notre capitale nationale, une ville officiellement bilingue. »

Ces nouveaux députés franco-ontariens ne seront pas les seuls à apporter un vent de fraîcheur au parlement canadien et à tenter de faire entendre la voix des francophones hors Québec.

Les Franco-Manitobains comptent sur le nouveau député de Saint-Boniface-Saint-Vital, Dan Vandal, ancien conseiller municipal, qui succède à la ministre du Patrimoine canadien et des langues officielles, Shelly Glover, ainsi que sur l’élu de Winnipeg-Centre, Robert Falcon-Ouellette.

« Saint-Boniface a une longue histoire avec le Parti libéral et mon expérience de 15 ans comme conseiller municipal m’a beaucoup aidé. Je pense que les gens apprécient le changement de ton apporté par M. Trudeau, sa volonté de bâtir des relations positives avec les Premières nations et avec les communautés francophones en situation minoritaire. La communauté franco-manitobaine a beaucoup souffert des coupures sous M. Harper. Mme Glover aurait pu faire quelque chose mais elle ne l’a pas fait. »

De leur côté, les Acadiens auront cinq nouveaux représentants : Ginette Petitpas-Taylor, Serge Cormier, Pat Finnigan et René Arseneault, au Nouveau-Brunswick, ainsi que Darrell Samson, en Nouvelle-Écosse. Ce dernier a créé toute une surprise en remportant l’élection face au député néo-démocrate, élu de longue date, Peter Stoffer. « Certains pensaient que c’était impossible pendant la campagne! » raconte-t-il. « Comme élu, c’est certain que je vais être très attentif aux francophones hors Québec car en tant qu’ancien surintendant du seul conseil scolaire de langue française de la Nouvelle-Écosse, c’est un enjeu qui me tient à cœur. »

Citant le dossier de l’immigration francophone ou le retour du formulaire long du recensement, M. Samson se répète, depuis sa victoire, une phrase de son père : « Il disait : Mon peuple veut, mon peuple a besoin, mon peuple mérite! ».

En Alberta, le député d’Edmonton-Centre, Randy Boissonnault sera bien seul au sein d’un gouvernement qui ne compte que quatre députés albertains, dont deux ministres néanmoins.

« Nous avons des voix fortes et je veux aussi travailler avec les élus des autres partis pour promouvoir Edmonton et l’Alberta », indique le fondateur d’Alphabétisation sans frontières, une ONG internationale. Pour ce dernier, la priorité est moins les langues officielles que le développement économique qui profitera à tous, selon lui.

Pour guider ces nouveaux députés francophones hors Québec, ils pourront compter sur certains élus habitués aux joutes de la politique fédérale, comme Mauril Bélanger, l’acadien originaire d’Ottawa, Dominic LeBlanc ou encore, Ginette Petitpas Taylor, sans oublier les députés bilingues.

Les francophones en milieu minoritaire compteront également sur les députés ontariens, Pierre Poilièvre et Guy Lauzon dans les rangs du Parti conservateur, et la néo-démocrate Carol Hugues, sans oublier les francophiles, pour rappeler au gouvernement ses promesses.

À noter que malgré les demandes d’#ONfr, seul le Parti conservateur n’a pu nous fournir une liste de ses nouveaux députés francophones hors Québec.