Demandeurs d’asile haïtiens : l’Ontario défend son intervention

Laura Albanese, Ministre des Affaires civiques et de l'Immigration de l'Ontario Crédit image: photomontage #ONfr

TORONTO – Le gouvernement ontarien affirme faire le nécessaire pour les demandeurs d’asile haïtiens. La ministre des Affaires civiques et de l’Immigration répète que les besoins dans la province sont actuellement minimaux, balayant du revers de la main les observations de plusieurs intervenants communautaires sur le terrain.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Premièrement, nous sommes à la table avec le gouvernement fédéral et le Québec pour les assister. À Cornwall, nous avons accueilli un bon nombre de demandeurs d’asile. Mais selon les lois canadiennes, ils ont le droit de choisir où ils veulent vivre. Et la grande majorité est retournée au Québec. Il faut respecter leur décision », tranche Laura Albanese, ministre des Affaires civiques et de l’Immigration.

Pourtant, plusieurs intervenants communautaires haïtiens de Toronto, affirment le contraire. Ils disent qu’ils ont depuis plusieurs semaines à épauler de nombreux membres de leur communauté, qui choisissent de quitter le Québec pour l’Ontario. Et que ces déménagements interprovinciaux ne sont peut-être pas pris en compte dans les statistiques gouvernementales, considérant que les demandeurs d’asile ne sont pas toujours en mesure d’effectuer leur changement d’adresse, si seulement ils en ont une.

« Nous recevons nos informations du gouvernement fédéral. Je ne suis pas au courant de ces chiffres », réplique la ministre, qui estime avoir des données justes de la situation. « Nous les accueillons les bras ouverts », renchérit-elle.

La ministre dit être à l’écoute de la communauté

La ministre a souligné que son gouvernement était à l’écoute de la communauté. Pour preuve, son ministère a assisté à une réunion d’urgence à Toronto, la semaine dernière, a-t-elle indiqué.


« S’il y a des gros chiffres, nous allons sûrement prendre les actions pour les assister. Mais nous n’avons pas cette information et personne ne nous a communiqué cela. Pourtant, nous avons rencontré la communauté la semaine dernière » – Laura Albanese, ministre des Affaires civiques et de l’Immigration


Il s’avère cependant qu’#ONfr a assisté à la rencontre et que les intervenants communautaires présents ont alors indiqué très clairement les manquements actuels dans la stratégie gouvernementale.

La semaine dernière, des leaders haïtiens franco-torontois suggéraient au gouvernement ontarien d’informer les Haïtiens américains des possibilités en matière d’immigration, notamment en faisant la promotion des programmes existants.

« Nous faisons tout ce que nous pouvons pour augmenter le nombre d’immigrants francophones et atteindre notre cible de 5 %. Mais les gens que nous voyons sont des demandeurs d’asile et pas tous vont se qualifier pour rester au Canada », a indiqué la ministre.

La position gouvernementale contraste avec la mobilisation des communautés francophones hors Québec. La semaine dernière, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada ont lancé un message conjoint de bienvenue aux demandeurs d’asile. Ils planifient même une mission à Montréal pour les inviter à considérer les communautés francophones à l’extérieur de la Belle province. En août, des entrepreneurs et spécialistes en immigration francophone ont indiqué qu’ils comptaient mener une mission aux États-Unis pour inviter les Haïtiens à choisir l’Ontario, le tout en empruntant la voie légale.

« Ils risquent de se retrouver dans la rue, en venant ici »

Le directeur de la Maison d’Haïti de Toronto, Rony Désir, affirme que la province n’est tout simplement pas prête à accueillir les demandeurs d’asile haïtiens. Lors de la rencontre organisée la semaine passée avec le gouvernement, il a été invité à donner le numéro de téléphone de la Croix-Rouge à ceux qui l’appelaient pour obtenir de l’aide. Il a testé le système.

« La Croix-Rouge m’a donnée le numéro d’une maison d’hébergement. En appelant la maison d’hébergement, on m’a donné le numéro de téléphone de la Croix-Rouge. C’est pas sérieux, ça tourne en rond », s’offusque M. Désir. Selon lui, la province ne réalise pas ce qui s’en vient.


« S’il y a une augmentation de la demande, la province n’est pas prête. Il n’y a pas de places dans les maisons d’hébergement. Quand on m’appelle, je suggère maintenant aux gens de rester à Montréal, car ils risquent de se retrouver dans la rue, en venant ici. » – Rony Désir, directeur de la Maison d’Haïti de Toronto


Depuis le début de l’été, il affirme qu’une centaine de personnes l’ont contacté pour obtenir de l’aide. « C’est sans compter ceux qui ont de la famille à Toronto et qui ne viennent pas vers nous », explique-t-il.

Plus de demandes juridiques

Le Centre francophone de Toronto (CFT) est sur le qui-vive. Ses communications avec des intervenants québécois confirment les besoins à prévoir pour de nombreux haïtiens américains qui maîtrisent l’anglais et voient Toronto comme une destination de choix pour y vivre. Les services juridiques ont constaté récemment une augmentation des demandes de la communauté haïtienne et s’attendent à ce qu’elles augmentent encore davantage.

« La clinique d’aide juridique du Centre francophone de Toronto reçoit environ trois fois plus de demandes de clients originaires d’Haïti depuis quelques mois. Nous surveillons étroitement l’évolution de la situation », a indiqué le Centre francophone dans une déclaration envoyée à #ONfr.

« Le Centre a le personnel et les ressources pour faire face à une demande accrue de réfugiés haïtiens ainsi que l’expérience d’une situation similaire. Au lendemain du tremblement de terre et des ouragans qui ont frappé Haïti, le CFT a mis en place diverses mesures spéciales destinées aux ressortissants haïtiens. Ces mesures comprenaient un service d’accompagnement dans le dépôt des demandes d’asile et des demandes pour des motifs humanitaires. Nous avions organisé diverses sessions d’information et embauché du personnel supplémentaire pour répondre à la demande. Ces mesures spéciales pourraient être remises en place au besoin », selon le Centre francophone de Toronto.