Décès de Mauril Bélanger : la francophonie en deuil

Madeleine Meilleur, Mauril Bélanger et Bernard Grandmaître, trois des anciens députés d'Ottawa-Vanier. Archives, #ONfr

OTTAWA – La disparition du député franco-ontarien, Mauril Bélanger, lundi 15 août, est une immense perte pour la francophonie ontarienne et canadienne, s’accordent à dire les représentants francophones.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Au lendemain de l’annonce du décès de Mauril Bélanger à l’âge de 61 ans, les réactions se succèdent sur la scène politique et communautaire. Dans le milieu de la francophonie ontarienne et canadienne, on loue le travail accompli par M. Bélanger et sa force conviction.

« C’était un allié important, notamment quand il n’y avait pas autant de francophones issus de la francophonie minoritaire au Parlement. Il comprenait bien les dossiers et les enjeux de la communauté et n’hésitait pas à pousser. Il était également important pour faire mieux comprendre notre réalité à ses collègues québécois », explique la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier. « Il a été le digne successeur de Jean-Robert Gauthier comme député! »

Le père de la Loi sur les services en français, Bernard Grandmaître, acquiesce.

« Mauril a suivi les traces de Jean-Robert Gauthier. Ça a été un honneur de travailler avec lui. Il n’avait pas peur de ses convictions et ce, même si certains francophones en milieu minoritaire n’étaient pas prêts à revendiquer et ne voulaient pas faire du bruit. Sans cette volonté exceptionnelle, il n’aurait pas pu faire bouger les choses. »

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt vante sa ténacité.

« C’était un homme tenace et engagé, un allié hors pair de la francophonie ontarienne au sein du Parlement. Il travaillait beaucoup en coulisses pour faire avancer les dossiers et influencer. C’est toujours une grande tristesse de perdre un homme politique de sa trempe. Pour la francophonie ontarienne et canadienne, il était un pilier, notamment au moment de la défense de l’hôpital Montfort. Quand il a décidé de soutenir la cause, il s’est investi à 110% et c’est grâce à lui que le centre des services de santé des Forces armées canadiennes s’y est établi ce qui a permis d’assurer la pérennité de Montfort. »

La militante franco-ontarienne et figure de SOS Montfort, Gisèle Lalonde en témoigne.

« C’était un homme très bon et très simple qui était très apprécié des gens de Vanier. Dès qu’il y avait un événement, les gens demandaient s’il était là pour aller le voir. Il me demandait toujours comment il pouvait aider. Je me souviens qu’au moment de la défense de Montfort, c’est lui qui m’a emmenée rencontrer le premier ministre Jean Chrétien. On lui doit beaucoup et je sais que de là où il est aujourd’hui, il continuera à nous soutenir. »

L’ancien député franco-ontarien de Glengarry-Prescott-Russell, Jean-Marc Lalonde, parle d’une grosse perte pour la francophonie ontarienne et canadienne.

« Nous avons travaillé de très près ensemble. C’était quelqu’un de passionné et de déterminé. Je pense qu’une aile de l’hôpital Montfort devrait porter son nom en hommage. »

Le conseiller municipal d’Ottawa-Vanier, Mathieu Fleury, ne réalise toujours pas.

« C’est le seul député de ma circonscription que je me souviens avoir connu! Nous avons travaillé ensemble pour la campagne Centraide et sur la question du logement social. C’était un vrai batailleur qui ne voyait pas la politique comme un emploi mais plutôt comme une vocation et une passion! Nous avions beaucoup de valeurs communes, comme celle de vouloir travailler avec tout le monde pour faire avancer les choses. »

Hors des frontières de l’Ontario, les réactions ont également été nombreuses. La présidente de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL), Cyrilda Poirier, rend un hommage appuyé à M. Bélanger, par voie de communiqué.

« Notre communauté vient de perdre un très grand ami. C’était un homme de vision et de conviction. Il avait à cœur de défendre nos communautés et de contribuer à leur développement, et il ne perdait jamais une opportunité de négocier cela avec nos gouvernements provinciaux. »

L’organisme souligne le travail du député franco-ontarien, en 1996, dans les négociations entre les gouvernements provincial et fédéral visant à créer et à financer le Conseil scolaire francophone provincial.

« La communauté de St-Jean lui doit également un appui déterminant pour la viabilité du Centre scolaire et communautaire des Grands-Vents. En effet, en 2004, alors ministre fédéral responsable des langues officielles, Monsieur Bélanger négocia et signa avec le gouvernement provincial l’entente qui permit le financement du fonctionnement de ce centre. »

Force de conviction

L’ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones et députée provinciale d’Ottawa-Vanier, Madeleine Meilleur a bien connu M. Bélanger.

« Je me souviens qu’il m’avait demandé de le présenter lors de l’investiture libérale pour les élections partielles de 1995. Nous nous connaissions depuis 1991 et étions très proches. Ensembles, nous avons ensuite été de tous les combats et j’aimais beaucoup travailler avec lui. C’était quelqu’un de très généreux, de disponible, un grand Franco-Ontarien qui tenait son militantisme de sa mère, Yolande Dufour. Je le considérais comme un ami. Au moment de sa dernière campagne, je l’ai vu très affaibli et lui avais fait promettre, le soir de sa victoire, d’aller voir son médecin. Ça a été terrible de voir un grand orateur comme lui perdre sa voix. »

Ami de longue date de M. Bélanger dont il a couvert l’actualité du temps où il était journaliste politique pour CTV, le sénateur Jim Munson ne peut cacher son émotion.

« C’est un moment très difficile pour moi, mais je veux me souvenir des beaux moments. C’est difficile à croire, nous étions si proches… »

M. Munson se souvient qu’au moment de l’annonce de son diagnostic (M. Bélanger souffrait de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie incurable connue sous le nom de maladie de Charcot qui lui avait été diagnostiquée en novembre 2015 – ndlr), M. Bélanger était venu le voir dans son bureau.

« C’était incroyable! On a parlé dans mon bureau et la première chose dont Mauril parlait c’était des choses qu’il avait encore à faire au Parlement et pour sa circonscription. Il était très déterminé. Mauril a toujours été très fier de son travail, il trouvait que c’était un honneur de représenter et de servir le public »

Le sénateur espère que le projet de loi de Mauril Bélanger pour modifier l’hymne national et le rendre neutre sur le plan du genre sera rapidement adopté au Sénat, cet automne.

« Ce serait un cadeau magnifique pour le 150e anniversaire du Canada. »

Mme Lalonde l’espère en tout cas.

« Comme ça, à chaque fois que nous chanterons l’hymne national, nous penserons à lui. »

Une influence

Le porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada, Bernard Généreux, parle de la perte d’un ami.

« Nous avons travaillé ensemble au sein du comité permanent des langues officielles en 2009 et il est rapidement devenu un ami. C’était quelqu’un d’une grande bonté. Pour moi, il était un exemple, il prenait à bras le corps les dossiers et travaillait très dur. Il était très engagé, au-delà même des frontières de sa circonscription, pour défendre la cause des minorités francophones à travers le Canada et pour promouvoir le bilinguisme. »

Son homologue néo-démocrate, François Choquette partage cette analyse.

« C’était un homme politique passionné et très dévoué à la défense des communautés francophones en situation minoritaire. C’est une grande perte pour ceux qui défendent la dualité linguistique. Pour moi, il était de la trempe d’un Yvon Godin, des gens indispensables pour nous rappeler l’esprit et la base de ce pays que sont les communautés francophones et anglophones, avec les Premières nations. »

Bien que loué pour ses qualités de rassembleur, M. Bélanger savait aussi défendre ses opinions, remarque M. Vaillancourt.

« Il n’a pas hésité à claquer la porte du comité permanent des langues officielles sous le gouvernement Harper quand il s’est rendu compte que tout le travail qui était fait en comité ne débouchait sur rien. »

Le député de Hull-Aylmer, Greg Fergus, qui a suppléé M. Bélanger au comité permanent des langues officielles ces derniers mois parle d’un mentor.

« Je l’ai connu quand je n’étais encore qu’un jeune militant libéral. J’admirais ses qualités d’orateur et sa capacité à prendre des décisions très justes. Il m’a beaucoup appris, notamment à savoir livrer un combat durant l’investiture libérale en 2013, mais aussi à savoir aussi rassembler une fois la bataille terminée. Il était toujours disponible pour parler des dossiers ou pour me donner des conseils. J’admirais son courage. Quand il a reçu son diagnostic, il savait ce qui l’attendait, mais ça ne l’a pas empêché de continuer son travail jusqu’à la fin. Malgré les difficultés, il était là dans les moments clés, notamment pour défendre son projet de loi sur l’hymne national. Il a touché le cœur de nombreux Canadiens et la communauté franco-ontarienne peut être fière de compter quelqu’un comme lui dans ses rangs. »

Plus qu’un patron

Au service de Mauril Bélanger pendant huit ans, son chef de cabinet, Alexandre Mattard-Michaud, se montre très ému.

« Même si on s’y attendait, on espère toujours… Si les accomplissements de M. Bélanger ont été très nombreux, tant dans sa circonscription qu’en Ontario et au Canada, ce que j’aimerais que les gens retiennent, ce sont ses qualités humaines. C’était un homme d’une grande intelligence, qui savait écouter les autres et qui était doté d’une grande conscience sociale et d’une grande droiture. Il était toujours disponible et voulait changer le monde pour le meilleur. Pour moi, c’était plus qu’un patron, c’était un membre de ma famille. »

Malgré ses huit élections consécutives, M. Mattard-Michaud assure qu’il ne prenait rien pour acquis.

« Il a continué à travailler malgré la maladie, même si c’était très difficile. Il nous donnait ses directives, nous indiquait les dossiers à pousser… Pour moi, il était un modèle. »

Le président de l’AFO espère que le parcours de Mauril Bélanger saura inspirer la jeune génération.

« Ce seront de grands souliers à chausser mais j’espère que quelqu’un reprendra son flambeau », confie Mme Meilleur.