Commissaire aux langues officielles : Madeleine Meilleur confirmée

L'ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones de l'Ontario, Madeleine Meilleur. Archives #ONfr

OTTAWA – Le gouvernement libéral a confirmé, le lundi 15 mai, la nomination de Madeleine Meilleur à titre de nouvelle commissaire aux langues officielles du Canada, malgré les réticences de l’opposition.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La Franco-Ontarienne Madeleine Meilleur sera bel et bien la septième commissaire aux langues officielles du Canada. L’ancienne députée libérale ontarienne succédera à Graham Fraser pour un mandat de sept ans.

« Madeleine Meilleur est une candidate exceptionnelle pour le poste de commissaire aux langues officielles du Canada. Elle milite énergiquement, et depuis plus de vingt-cinq ans, pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je suis convaincu que Mme ­Meilleur, compte tenu de sa vaste expérience et de son brillant parcours professionnel, mettra sa ténacité au service des communautés en situation minoritaire, tant francophones qu’anglophones », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, dans un communiqué.

Originaire du Québec, Mme Meilleur avait quitté la vie politique en juin 2016. Durant sa carrière politique, elle a occupé le poste de conseillère municipale à Vanier puis à Ottawa, avant d’être élue députée provinciale d’Ottawa-Vanier lors du scrutin qui a porté au pouvoir les libéraux de Dalton McGuinty, en 2003.

En Ontario, elle a occupé le poste de ministre responsable des Affaires francophones de manière ininterrompue pendant près de 13 ans, ce qui fait d’elle l’élue qui a le plus longtemps occupé ce poste depuis sa création au milieu des années 1980.

 

Nomination contestée

Le choix de Mme Meilleur ne fait pas l’unanimité dans les rangs de l’opposition à la Chambre des communes qui juge cette nomination « partisane ». Le Parti Conservateur du Canada (PCC) et le Nouveau Parti démocratique (NPD) rappellent que le gouvernement avait pourtant, à plusieurs reprises, déclaré sa volonté d’avoir un processus de nomination ouvert, transparent et inclusif, basé sur le mérite et la diversité pour les agents du parlement.

La porte-parole aux langues officielles du PCC, Sylvie Boucher, expliquait déjà la semaine dernière ses réticences, quand la nomination de Mme Meilleur n’était alors qu’une rumeur persistante.

« Ça n’enlève rien à Mme Meilleur, elle a un très beau CV, mais son problème, c’est qu’elle est identifiée libérale et pour le commun des mortels, c’est une nomination partisane. Il y avait d’autres noms qui n’étaient associés à aucun parti politique, alors pourquoi ne pas avoir fait ce choix-là? »

Le chef du NPD, Thomas Mulcair avait même demandé au premier ministre Justin Trudeau de retirer cette nomination.

Lundi, à la sortie de la Chambre des communes, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a défendu le choix contesté du gouvernement libéral.

« Les personnes qui ont servi par le passé peuvent postuler. Je vous rappellerais d’ailleurs que Kim Campbell, l’ancienne première ministre conservatrice, a été présidente du comité de nomination des sénateurs, et donc, on sait que plusieurs bons candidats qui ont servi par le passé peuvent servir aussi dans le cadre d’autres fonctions. Mme Meilleur s’est avérée comme étant clairement la meilleure candidate. Elle a toute l’expertise et toute l’expérience nécessaire pour être une excellente commissaire aux langues officielles. C’est la deuxième femme à occuper ce poste et nous sommes convaincus qu’elle aura toute l’expérience et l’impartialité nécessaire. »

 

Les Acadiens déçus

Du côté des francophones en situation minoritaire, en revanche, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, tout comme l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), se sont montrés plutôt satisfaits, jugeant les états de service et le curriculum vitae de Mme Meilleur en termes de francophonie convaincants pour occuper le poste de commissaire aux langues officielles du Canada.

« Après un hiatus de près de six mois, à deux ans du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, il est grand temps que cette fonction soit enfin comblée, et Mme Meilleur est une personne avec qui la FCFA peut établir dès de départ de bons liens de collaboration pour la pleine application et le plein respect de la Loi. (…) Nous sommes conscients que des questionnements existent en lien à la carrière politique de Mme Meilleur. Nous comptons sur la suite du processus de nomination pour clarifier à la satisfaction de tous et de toutes les étapes suivies par le gouvernement pour en arriver à son choix. Étant donné l’importance de son poste pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, la prochaine commissaire doit pouvoir débuter son mandat dans les meilleures conditions de succès possibles », a réagi la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier, par voie de communiqué.

La réaction est en revanche un peu plus nuancée du côté des Maritimes où les Acadiens espéraient un premier commissaire aux langues officielles du Canada issu de la communauté acadienne.

« Je suis déçu. Nous allons devoir attendre encore sept ans avant d’avoir une nouvelle chance que soit nommé un premier commissaire aux langues officielles du Canada acadien. Peut-être que nos députés fédéraux vont devoir s’interroger et travailler plus fort pour qu’on se fasse entendre », s’interroge le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Kevin Arseneau.

Candidate au poste de commissaire aux langues officielles du Canada, la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ), Marie-Claude Rioux, est plus enthousiaste.

« C’est sûr qu’on aurait aimé un premier commissaire issu de nos communautés, et je ne parle pas de moi, car il y avait d’excellents candidats. Mais je tiens à féliciter Mme Meilleur qui fera une excellente commissaire. C’est un très bon choix de la part du gouvernement. Elle est compétente, connait très bien les dossiers et possède une très bonne connaissance de l’action communautaire. »

Mme Rioux se dit persuadée que le passé politique de Mme Meilleur n’interfèrera pas dans ses nouvelles fonctions.

« Je peux comprendre les craintes mais compte tenu de ses qualités et de son intégrité, je suis persuadée qu’elle saura faire la part des choses. »

Un avis que ne partage pas totalement M. Arseneau.

« On espère qu’elle saura faire la différence, mais c’est difficile de croire qu’elle ne sera pas tentée parfois d’épargner le gouvernement. »

 

Prochaines étapes

L’entrée en poste de Mme Meilleur n’est pas encore fixée. La Loi sur les langues officielles prévoit que la proposition du premier ministre soit approuvée par la Chambre des communes et par le Sénat.

Le gouvernement a déposé, ce lundi, une proposition à la Chambre des communes en vue de son renvoi au Comité permanent chargé des langues officielles. Le comité aura 30 jours pour examiner la candidature proposée, puis faire rapport à la Chambre des communes, qui devra voter ensuite. Le gouvernement devra également soumettre la proposition à l’approbation du Sénat.

Joint par #ONfr, le Bureau du conseil privé a indiqué que les noms des personnes qui ont siégé sur le comité chargé d’étudier les candidatures au poste de commissaire aux langues officielles du Canada ne seront pas rendus publics.