Cliniques d’avortement : piège tendu à Patrick Brown

Le chef progressiste-conservateur,

[ANALYSE]

TORONTO –  Les débats n’ont pas été de tout repos à Queen’s Park, la semaine dernière. La thématique de l’avortement, sujet toujours très sensible, a de nouveau rebondi sur les bancs de l’Assemblée législative. Au centre du débat : Patrick Brown.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

En vérité, la motion du procureur général adoptée en début de semaine dernière pour accélérer la protection autour des cliniques d’avortement compte moins que le piège tendu par les libéraux au chef progressiste-conservateur.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement use des questions sociales pour discréditer l’opposition. Lors de la campagne des élections de 2007, la promesse du chef du Parti progressiste-conservateur (Parti PC), John Tory, de financer des écoles juives, musulmanes ou hindoues, comme le sont déjà les écoles catholiques, avait vite été dénoncée par les libéraux… coûtant du coup en partie l’élection aux progressistes-conservateurs.

En 2011, les libéraux n’avaient également pas manqué d’exploiter la maladresse du leader du PC de l’Ontario, Tim Hudak. Ce dernier avait dénoncé le financement d’un programme de crédit d’impôts aux entreprises qui auraient embauché un travailleur qualifié ayant immigré dans la province. Motif : cela aurait donné l’avantage aux « travailleurs étrangers ».

Concernant la question des cliniques, l’intérêt du débat est à priori louable de la part des libéraux : protéger le personnel, les patients et les femmes qui travaillent dans ces  établissements. Sauf que l’échéancier d’un tel débat en chambre, quelques mois avant les élections provinciales, parait un peu gros.

Brown et son image de conservateur social

À tort ou à raison, Patrick Brown traîne depuis son arrivée à Queen’s Park en mai 2015 une réputation de conservateur social. Une image que ne manquent pas d’égratigner ses rivaux libéraux et néo-démocrates.

De par sa « jeunesse » sur les bancs de Queen’s Park, mais aussi sa lenteur à dévoiler sa plateforme, M. Brown reste pour le moment des trois leaders le plus difficile à cerner. À ses débuts, le député de Simcoe-Nord a fait preuve de maladresse, comme ses tergiversations sur le programme d’éducation sexuelle en août 2016.

Force est d’admettre que depuis, M. Brown a plutôt réussi à casser cette image de conservateur social. En évinçant le dérangeant « landowner » Jack MacLaren du caucus progressiste-conservateur au printemps dernier, M. Brown a donné là un geste fort.

Donner l’image d’un parti uni avant les élections

Le chef progressiste-conservateur est sorti plutôt indemne du débat sur la question de l’avortement. L’absence de plusieurs députés de l’aile droite du Parti PC (Sam Osterhoff, Monte MacNaughton, Randy Hillier) n’est pas un hasard. Elle évite les questions dérangeantes à ces élus le jour du débat. Il n’est pas rare qu’un chef demande à ses élus de ne pas venir en chambre, surtout quand ce sont des votes sur des questions de croyances ou de valeurs personnelles.

Ces absences et le fait qu’un ancien de cette frange, Jack MacLaren, désormais seul représentant du Parti Trillium à Queen’s Park, ait été le seul à s’opposer à la motion, démontrent les clivages idéologiques puissants du Parti PC.

À huit mois des élections provinciales, libéraux et progressistes-conservateurs continuent de se décrédibiliser. La routine politique en somme. La clé du scrutin pourrait tout de même être la capacité du chef du Parti PC à arriver en mai avec une équipe – au moins d’apparence – unie sur les dossiers. Pour le moment, M. Brown tient le fort.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 23 octobre.