Cinq enjeux budgétaires pour l’Ontario français

TORONTO – L’Ontario aura droit à tout un cocktail de chiffres au cours des prochaines semaines, alors qu’Ottawa se prépare au dépôt d’un premier budget équilibré depuis sept ans, et que Queen’s Park continue d’entretenir le flou quant aux mesures qui seront mises de l’avant pour finir d’éponger un déficit de plus de 10 milliards $.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

À l’approche du budget fédéral, le mardi 21 avril, et dans l’attente du rapport Clark qui devrait de façon imminente guider la province dans ses choix de trésorerie, l’équipe d’#ONfr a dressé dans son émission du jeudi 9 avril, une liste des cinq enjeux budgétaires les plus importants pour l’Ontario français.

1) L’infrastructure

Aqueducs. Logements. Routes. Ces demandes des municipalités ontariennes n’ont rien de nouveau. Ni rien de sexy. Mais, année après année, le fossé se creuse. L’infrastructure vieillit. Et l’argent des gouvernements provincial et fédéral n’est pas nécessairement au rendez-vous pour la retaper.

« Lors des célébrations du 100e anniversaire de notre pays, il y a eu beaucoup d’investissements au niveau des arénas, des piscines, de l’infrastructure communautaire. Cette infrastructure a maintenant près de 50 ans. Elle est vieillissante. Elle a besoin d’un réinvestissement », a fait valoir Mathieu Fleury, conseiller municipal à Ottawa, à #ONfr.

Aux Communes, on devrait amorcer la deuxième année d’un programme d’infrastructure de 53 milliards $ sur dix ans. Une enveloppe dont la locomotive économique qu’est l’Ontario devrait, en principe, recevoir la plus grande part.

« Nous avons besoin d’un partenaire fédéral », a exhorté Charles Sousa, ministre des Finances de l’Ontario, à sa sortie de la Législature provinciale, le 2 avril. « Il y a des programmes que nous aimerions améliorer, comme le transport en commun et l’infrastructure. Il y a aussi le Cercle de feu dans lequel nous aimerions que le fédéral participe. »

À Queen’s Park, ce sera l’an un d’un programme d’infrastructure de 130 milliards $ sur dix ans. Un plan ambitieux qui risque d’être financé dans une large mesure par une « monétisation » de certains biens publics, à commencer par le fournisseur d’électricité Hydro One.

2) La privatisation d’Hydro One

Ça pourrait être – et de loin – la mesure la plus importante dans le prochain budget de l’Ontario. La province doit s’inspirer ici des recommandations très attendues d’un panel d’experts sur l’avenir de certains biens publics, avec à sa tête l’ex-banquier Ed Clark.

Mais il ne serait pas étonnant que les libéraux de Kathleen Wynne aillent plus loin encore que les recommandations de ce panel. C’est que la privatisation partielle de la société de distribution et de transmission d’électricité Hydro One permettrait au gouvernement provincial de dégager 15 milliards $ d’un seul coup pour financer des projets de routes et de transport en commun.

« Au final, il incombe à chacun d’entre nous de créer davantage de dividendes pour la province et sa population », a partagé M. Sousa à la presse, le 2 avril.

Mais avec le déficit le plus élevé au pays, et à moins de trois ans de la cible du déficit zéro, l’opposition à Queen’s Park dit craindre de plus en plus une « vente de feu » de biens publics. Et une hausse des tarifs d’électricité.

3) L’immigration francophone

Voilà un dossier important autant à Ottawa qu’à Queen’s Park.

C’est que le fédéral est en train de changer considérablement les règles de l’immigration au pays. Une immigration à vocation maintenant beaucoup plus économique. Mais les nouveaux programmes mis en place pêchent, pour l’instant, par l’absence d’une lentille francophone.

« On souhaiterait, dans le budget fédéral, qu’on identifie plus clairement des initiatives qui vont viser cet objectif de 4% d’immigration francophone (en milieu minoritaire) et des investissements pour les communautés qui jouent un rôle d’accueil et d’intégration des immigrants », a exprimé Denis Vaillancourt, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, à #ONfr.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a récemment dénoncé un manque de transparence des mécanismes fédéraux d’appui à l’immigration francophone.

Du côté de Queen’s Park, on cherche à enchâsser dans la loi une cible de 5% d’immigration francophone pour assurer la vitalité de la minorité linguistique sur le long terme. Un objectif que M. Vaillancourt aimerait voir appuyé de mesures concrètes « qui reflètent cet engagement » dans le prochain budget de la province.

4) L’éducation

Le gouvernement de l’Ontario a d’ores et déjà annoncé un « financement stable » pour ses écoles. Le budget des 60 conseils scolaires de langue anglaise et des 12 conseils de langue française sera donc gelé à 22,5 milliards $ pour la prochaine année.

Pour les plus petits conseils scolaires, ou ceux qui connaissent une décroissance, ce sont peut-être de mauvaises nouvelles.

« Est-ce que ça va signifier des réductions des services pour certains conseils scolaires? On ne le sait pas. Mais lorsqu’on gèle les subventions, ça veut dire qu’on doit composer avec l’inflation », a prévenu Denis Vaillancourt de l’AFO. « Quel sera l’impact sur nos écoles de langue française? Est-ce que ça empêcher l’ouverture de nouvelles écoles? Les conseils scolaires vont devoir composer avec ça ».

5) La santé

La santé publique siphonne près de la moitié du budget de l’Ontario. Un retour à l’équilibre budgétaire passe donc nécessairement par une « transformation », pour ne pas dire une cure d’amaigrissement du système hospitalier, des soins à domicile et des soins de longue durée dans la province. Mais jouer du bistouri dans ce ministère n’est jamais une chose facile, ni populaire.

« Ça veut dire nécessairement des compressions à certains endroits. Et là, on regardera avec des lunettes francophones s’il y aura atteinte aux services en français déjà en place », a indiqué M. Vaillancourt à #ONfr.

Et les municipalités, sur lesquelles Queen’s Park a jadis déchargé plusieurs responsabilités au chapitre de la santé publique, veulent elles aussi leur part d’investissements de la province.

« Année après année, nous sommes en discussions avec la province pour maintenir nos budgets opérationnels en santé publique », a fait remarquer le conseiller municipal Mathieu Fleury, à Ottawa. « Nous avons eu récemment des enjeux au niveau de la vaccination, de l’immunisation. Ça démontre nos limites lorsqu’il faut répondre à certains besoins au niveau local. »