Mettre fin à la culture du viol

La journaliste torontoise Shauna Hunt a eu le courage de confronter les individus qui balancent l'expression FHRITP durant les segments télévisés par les femmes.

[CHRONIQUE]
L’utilisation de la phrase F— her right in the p—-, ou FHRITP, a fait bien des remous dans les médias après une joute du club de soccer Toronto FC, le dimanche 10 mai. Plusieurs ont applaudi la journaliste Shauna Hunt pour avoir eu le courage de confronter les individus qui balancent cette expression durant les segments télévisés par les femmes. D’autres croient au contraire que le licenciement de Shawn Simoe, un ex-ingénieur chez Hydro One à qui la vulgarité a coûté son emploi, était injustifié.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

Le créateur de la phrase, John Cain, un Américain, fait un tabac depuis qu’il a quitté son emploi pour tourner des vidéos qu’il estime humoristiques. Il a filmé un faux segment télévisé de la station FOX durant lequel un homme utilise la phrase vulgaire devant une femme journaliste. Si le FHRITP est nouveau, le phénomène sous-jacent est vieux comme la société occidentale moderne.

Le sexisme et la violence sociétale contre les femmes sont imbriqués dans notre culture. Que ce soit dans la bible ou dans les séries télévisées, passant par les publicités et les rôles de genres traditionnels, les femmes ont été placées de manière systémique sous le joug de l’homme. Barrés de la politique, des écoles et des métiers jusqu’au XXe siècle, les femmes ont dû composer avec une société qui leur était hostile.

De plus, cette société a une tendance à banaliser la violence sexuelle contre les femmes. La justice doute souvent de la véracité des plaintes de viol déposée par une femme. La société accuse souvent les filles de s’habiller de manière dite « provocatrice », comme si les hommes ne pouvaient se contrôler devant elles. Bref, on s’attend toujours à ce que les hommes agissent sur des pulsions incontrôlables alors que la sécurité de la femme est la responsabilité d’elle seule.

La phrase FHRITP n’est qu’une attestation populaire de ce phénomène qui existe depuis longtemps. Pire, elle se désamorce elle-même puisqu’elle est une « blague » que plusieurs hommes, dignes d’un tribalisme, crient afin de prouver leur excès de testostérone et leur place dans la hiérarchie de la masculinité.

 

Expression déshumanisante…

Shauna Hunt affirme être victime de cette phrase sur une base quotidienne. À répétition, plusieurs fois par jour, elle se fait harceler par des hommes, et même par des adolescents. Elle affirme une fois tourner près d’une école alors qu’un jeune de 13 ans lui a crié la phrase. D’autres femmes ont témoigné être mortifiées par l’expérience d’entendre quelque chose de si dégoûtant leur être proféré durant leur travail. Si les hommes qui disent la phrase la trouvent drôle, les victimes sont loin de rire.

Le FHRITP s’inscrit dans la banalisation de la culture du viol dont la société occidentale peine à se débarrasser. Même certaines femmes, comme la chroniqueuse Margaret Wente, du Globe and Mail, nient le phénomène et n’hésitent pas à jeter le blâme sur les femmes.

 

Encourager la violence

Shauna Hunt était dans un espace particulièrement masculin. Une joute de foot où l’alcool coule à flots… Dans cet espace, plusieurs hommes, en utilisant la phrase FHRITP, encouragent tant les autres hommes dans ce même espace, en plus des téléspectateurs, à utiliser Shauna Hunt comme un jouet sexuel de manière violente. Ils encouragent les hommes à faire fi de l’existence d’un être humain devant eux, de refuser à Hunt son humanité, de l’objectifier, et de la violenter sans son consentement.

C’est intolérable.

Simoe a été renvoyé de son emploi à Hydro One, et c’est une conséquence tout à fait appropriée pour ce geste violent qui ne fait que proférer le problème systémique de l’objectification de la femme dans notre société. D’autres à Calgary ont été mis à l’amende. Non, la peine n’a pas été trop sévère.

Contrairement au chroniqueur Vinay Menon du Toronto Star, qui a jugé trop dure la punition de Simoe, je dis non à cette misogynie qui opprime tant les hommes que les femmes. Les femmes sont nos conjointes, nos mères, nos sœurs et nos amies. Comment tolérer que quelqu’un croie drôle d’inviter les hommes à les violer sur la place publique?

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.